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plus ou moins nette : le but sera petit ou grand, sera médiocre ou splendide : la raison procédera de même.

En définitive, l’intelligence des animaux ressemble à l’intelligence humaine. Seulement, l’homme est plus intelligent que les animaux ? Oui, répond Louis Pergaud ; l’homme parait mieux utiliser les données que les sens lui procurent. Et cependant… « Chez certains humains, la qualité transformatrice du cerveau, l’intelligence active du sujet, semble très inférieure à celle dont font preuve certains chats, certains chiens, certains renards qui, eux, ne bénéficient d’aucuns travaux exécutés par leurs devanciers et dont l’activité cérébrale doit être bien plus intéressante que celle d’un grand nombre de brutes humaines… » Vous souriez ? Vous pouvez aussi rêver là-dessus et, par exemple, vous dire que de très intelligents animaux ont, par malheur, la vie courte et meurent vieux à l’âge d’un enfant, d’un adolescent. Les dix années, les quinze années qui leur sont accordées par le destin sont un délai insuffisant pour qu’ils accomplissent toutes les prouesses dont leur esprit les eût rendus, probablement, capables. Ils sont d’abord très avancés pour leur âge ; mais ils s’arrêtent en chemin, comme s’ils savaient, — ne le savent-ils pas ? — que leur course est bientôt bornée. On dirait qu’ils se découragent.

Moins courte, moins affreusement courte que celle des pauvres petits chats, la vie des hommes n’est pas longue ; mais ils transmettent à leurs descendants leurs trouvailles, les résultats de leur expérience, leur pensée : ainsi les générations successives prolongent la durée humaine. Voilà ce que les animaux ne savent pas faire ; et voilà pourquoi se perd l’effort intelligent de chacun d’eux, au grand dommage du Progrès !…

On dit cela, où il y a quelque vérité : l’on ne dit rien, où il n’y ait aucune vérité, mêlée à plus d’erreur. Mais, quoi ! les animaux ne passent-ils à leurs descendants ni usage ni ingéniosité ? Qu’est-ce donc que l’instinct ? C’est précisément l’habitude transmise intacte d’une génération d’animaux à toutes les générations suivantes, que vous appelez l’instinct. Seulement, vous avez admis que l’instinct ne change pas.

En êtes-vous bien sûrs ? Louis Pergaud n’en est pas sûr le moins du monde. Louis Pergaud, se fiant à un vers de La Fontaine, a cherché toute une saison des nids d’alouettes dans les blés en herbe. Il s’est fait maudire par les cultivateurs et houspiller par le garde champêtre : il n’a pas trouvé, dans les blés en herbe, un seul nid