Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compare ce que j’ai vu et entendu en Italie, entre 1919 et 1921, à ce que j’avais vu et entendu, peu de temps auparavant, en Angleterre et en Allemagne, je suis bien obligé de conclure que les problèmes qu’à Rome on prétendait résoudre en un tournemain, non seulement ne sont pas mûrs, mais n’ont même pas été sérieusement étudiés. Dès l’année 1916, j’avais pu lire à Londres plusieurs projets très solidement établis, non par le Gouvernement, mais par des particuliers, en prévision de la nationalisation éventuelle de certaines industries. Le projet relatif à la socialisation des mines, des forêts, des forces électriques, a suscité en Allemagne toute une série d’études où les principales hypothèses sont envisagées, les résultats possibles envisagés et discutés. Quand j’ai voulu étudier à Berlin les projets relatifs aux Betriebsraete et au contrôle ouvrier, on m’a aussitôt fourni toute une littérature ; En Italie, je n’ai trouvé rien d’analogue ; on comptait sans doute sur quelque improvisation de génie, ou sur la patience résignée d’un peuple qui s’estimerait trop heureux de mourir de faim, pour la gloire de paraître à l’avant-garde d’une réforme économique et d’un progrès social également discutables.


A LA HAUSSE DES SALAIRES N’A PAS CORRESPONDU UN PROGRÈS SOCIAL

Il reste pourtant que, dans ces dernières années, la condition matérielle de l’ouvrier italien s’est améliorée très sensiblement. Les salaires ont atteint un niveau qui, avant la guerre, eût semblé fantastique. Même si l’on tient compte de la dépréciation de la monnaie, le taux moyen des salaires paraît encore très élevé. La réduction qui, aussitôt après la paix, s’imposa partout ailleurs avec la nécessité d’une loi naturelle, ne s’est produite en Italie que beaucoup plus tard, et dans une proportion insuffisante. On a pu dire avec raison que le bien-être dont jouit encore actuellement l’ouvrier italien est acquis par dos moyens artificiels et aux dépens de l’économie générale de la nation.

Parmi ces moyens, l’un des plus critiqués est l’adoption et le maintien des prix politiques. Les denrées de première nécessité, comme le pain ou les pâtes alimentaires, sont vendues selon un tarif (calmiere), établi aux dépens de celui qui produit et au