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quelque chose : la Liberté, un chêne qui croîtra bien droit ; la Force, sa massue inerte, la Victoire, un laurier auquel son épée servira de tuteur, l'Éloquence, une affirmation qui s’enracinera dans les cœurs.

Depuis longtemps, rien d’aussi puissant n’avait jailli de la terre du potier. Sans doute, on peut trouver, là, si l’on veut, un excessif déséquilibre entre les proportions et un fort archaïsme : ce cou haut et puissant, ce ventre « avalé, » ces hanches disparues, ce buste et ces bras formidables, ces jambes basses et de peu de poids, comme il arrive chez les rameurs et les boxeurs, et qui ont plutôt l’air suspendues au torse que de le porter, cette tète enfin qui semblerait s’en aller loin des épaules, si elle n’y était curieusement rattachée par de longues tresses durement cordées ou quelque paquet de linge. Mais qu’importe, si de tout cela résulte un beau rythme humain et s’il n’y a pas de poids mort ! Donatello a bien osé quelque chose de semblable dans son Saint Georges, dans son David, du Bargello, dans son Ezéchiel, dans son Zuccone. Ce qu’il y a d’excessif est sauvé par la force. Ce qu’il y a d’archaïque est sauvé par la vie. M. Bourdelle n’a pas trompé l’attente de ses admirateurs. Le monument du général Alvear fera honneur à la France, s’il n’est pas dédié à un héros français. Et il vaut à lui seul, — ce que je crains bien, d’ailleurs, qu’il ne soit seul à valoir : — une visite aux Salon des Tuileries.

Robert de la Sizeranne.