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En même temps, la Confédération générale du Travail déclarait qu’elle entendait faire exercer le contrôle dans chaque usine, non par une délégation des ouvriers de l’usine, mais par des représentants du Syndicat compétent : ainsi disparaissait la dernière garantie des industriels, qui avaient pu espérer que la direction de chaque entreprise serait contrôlée par des ouvriers intéressés à sa prospérité et à son développement. Les Commissions d’ouvriers s’empressèrent, pour commencer, de faire accorder le bénéfice du salaire intégral aux équipes qui avaient occupé violemment les usines, et de le faire refuser à celles qui, n’ayant pas voulu prendre part à la rébellion, s’étaient vues, bien malgré elles, privées de travail et de pain. Singulier moyen de rétablir une discipline ébranlée.

Après avoir fait maintes difficultés, soulevé maints incidents, les ouvriers finirent par sortir des usines occupées ; ils y rentrèrent en « coopérateurs de la production. » Les industriels, — et c’est ce qui fit leur faiblesse, — ne purent se mettre d’accord sur le parti à prendre. Quelques-uns, dont l’altitude au cours de la crise avait paru fort singulière, admirent sans réserve les prétentions des syndicats. D’autres arrêtèrent simplement leurs machines et invitèrent leurs ouvriers à chercher du travail ailleurs : ce fut le cas de quatre usines de Milan. Les directeurs du grand établissement Fiat, après avoir reconnu et déclaré l’impossibilité de concilier l’exercice régulier de leur entreprise avec les exigences de l’accord de Rome, offrirent aux syndicats de transformer leur industrie en coopérative : on vendait l’affaire aux ouvriers ; on désintéressait le capital actuel, et l’on remettait l’industrie aux ouvriers constitués en société coopérative de production et assistés, s’ils le jugeaient nécessaire, de techniciens et d’administrateurs salariés. L’Avanti insinua que celle offre pouvait bien cacher un piège, et les syndicats la repoussèrent.

Dans les usines Ansaldo-San-Giorgio, à la Spezia, les ouvriers, en réintégrant les ateliers, commirent de telles violences à l’égard de ceux qui ne s’étaient point associés à l’agitation, que les directeurs durent recourir au lock-out. Dans l’ile d’Elbe, les organisations s’emparèrent des mines de fer qui appartiennent à l’État et en déclarèrent la socialisation, à titre d’expérience : le travail demeura longtemps suspendu. Entre temps, la commission paritaire, réunie à Milan le 21 octobre, s’était