qu'on lui dise quelque chose et pour cela qu’on ait quelque chose à dire. Or, toute une école de dessinateurs depuis quelque temps s’est formée qui, de cet art elliptique, n'a retenu guère que les apparences. Des bâtonnets qui chevauchent les uns sur les autres, des nébuleuses, des poches, des gourdes, des cubes, brassés au hasard, comme par le singe d’un géomètre : telles sont les formules dépourvues de substance mises à la mode aujourd’hui par les écoles dites « avancées. » Et nombre d’amateurs, dupes de ces grossières contrefaçons, raisonnent ainsi : « Je ne voyais pas grand chose dans les dessins de Forain et il paraît que c’était très bien ; je ne vois plus rien dans ceux-ci : ce doit être mieux, » la plupart des jugements des hommes se fondant sur l’analogie et l’analogie n’existant qu’au regard superficiel qu’ils ont. De ce qu’un diplomate bourré de secrets importants garde le silence, il ne s’ensuit pas que tous les diplomates qui se renferment en un mutisme épais, recèlent des intentions bien considérables. Le dessin prétendûment « simplificateur » de gens qui n’ont rien à simplifier, ou synthétique d’esprits qui ne savent point de quoi ils font la synthèse vaut proprement le silence de ces diplomates : il ne signifie rien.
A côté de M. Forain, des amis et admirateurs de Ravier ont, avec un soin pieux, rassemblé un certain nombre de ses œuvres. Ils ont bien fait, car au dehors du Lyonnais et du Dauphiné, ce prestigieux artiste est peu connu, bien que ses œuvres aient pénétré jusqu’au Louvre. Ce sont surtout des aquarelles, et des aquarelles de ce type ancien qui a fourni le mot anglais watercolour drawing, c’est-à-dire où le dessin très apparent subsiste sous la couleur à l’eau. Je dis très apparent, mais non très important : un arbre échevelé dans le ciel, les linéaments d’un buisson, la panse d’un nuage, c’est tout ; mais tel qu’il est, il avertit qu’il y a, là, un autre outil que le pinceau, et d’ailleurs ce paraphe preste et dur nous empêche de ne voir dans le paysage qu’une liquéfaction de soleil. C’est par là que Ravier se rapproche de Forain : il simplifie à outrance, mais il sait ce qu’il simplifie et son plus informe gribouillis est le gribouillis d’un savant qui a longuement, pieusement, pendant toute une vie de contemplation extasiée, analysé les formes changeantes de la Nature et les modalités infinies de la lumière. Aussi tout est-il plein de sens, de profondeur, de vie. Quiconque aura