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supériorité très marquée, en quelques points, de la Société nationale, dite du Champ de Mars, et les joies de qualité précieuse qu’elle nous a données, le Salon véritable, l’héritier des grands triomphes d’autrefois, est toujours resté, aux yeux du public, celui des Artistes français. Rien n’a pu détourner le courant populaire de la vieille maison que les délicats avaient abandonnée. Beaucoup de ces délicats mêmes, peu à peu, y sont revenus. Telle est la cause profonde et irrémédiable des tentatives de fusion qui ont lieu aujourd’hui. On sent fort bien que, pour durer, on ne peut se passer de l’appoint que présente l’ancienne Société. Pour la même raison, le nouveau Salon des Tuileries n’a aucune chance de remplacer les autres. Tout au plus, peut-il hâter leur déchéance. Née d’une scission, la Nationale mourra peut-être d’une scission semblable. Mais le Salon des Tuileries n’en sera pas plus gaillard. A la vérité, ses débuts pouvaient être éclatants. Il groupe la plupart des meilleurs maîtres de la Nationale : MM. Albert Besnard, René Ménard, Le Sidaner, Lucien Simon, Jacques Blanche, Aman Jean, Maurice Denis, Zakarian, Jean Boucher, d’autres encore. Seulement, ces excellents artistes n’y apportent de beau que leurs noms. Il semble qu’ils aient résolu le difficile problème d’appauvrir le Salon qu’ils ont quitté, sans enrichir celui qu’ils fondent. Cela tient peut-être à ceci, qu’ils sont entourés de futuristes et de « fauves », qui leur communiquent un peu de leur pesant ennui. Le fait est qu’on remarque beaucoup plus leur absence des Champs-Élysées que leur présence aux Tuileries.

La cause et aussi l’effet de ces phénomènes est que le Salon, quel qu’il soit, n’apparaît plus aujourd’hui le lieu privilégié où se manifestent les artistes. La plupart ont pris soin de faire, déjà, leur exposition en lieu clos, à l’abri des cubistes et des fauves, et dans une ambiance infiniment plus favorable : MM. Aman Jean, René Ménard et Lucien Simon à la galerie Georges Petit, où leurs œuvres, contrastant sans se contredire, se faisaient valoir les unes les autres ; M. Le Sidaner de même, à la même galerie, avec M. Henri Martin. D’autres, comme M. Guirand de Scévola et M. Walter Gay, absents cette année de tous les salons, se sont aussi manifestés en des expositions particulières. Pour ajouter a la diffusion et à la confusion, voici la société des Artistes décorateurs qui fait son exposition à part, quoique au Grand Palais, et naturellement prive d’un certain