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LES MORTS ET LES VIVANTS
AUX SALONS DE 1923


On croyait qu’il n’y aurait plus qu’un Salon : il y en a trois pour ne pas dire plus et sans compter celui d’Automne. Les deux anciennes sociétés rivales, dont on avait annoncé la fusion, n’ont fait qu’ouvrir une porte de communication entre elles, sans le moins du monde se confondre, ayant gardé leurs jurys, leurs livrets, leur numérotation distincts, et une troisième s’est immédiatement détachée des deux premières pour émigrer aux Tuileries, sur la terrasse du bord de l’eau, et y planter ses tentes hostiles à la Société nationale, comme la Société nationale, il y a trente-trois ans, avait émigré au Champ de Mars, dans un esprit d’hostilité contre les Artistes français.

De ces trois Salons, quel est le vrai ? se demande le public désorienté après bien des marches et contremarches et désespérant de s’y reconnaître... Il convient de lui rappeler, et plus encore aux artistes, la parabole des Trois anneaux. Elle n’est pas neuve, puisqu’elle a enchanté tout le moyen-àge, et nullement inconnue du nôtre, car nombre de savants ont glosé dessus, mais elle s’ajuste assez bien aux conjonctures présentes. La voici : un père avait un anneau d’or orné d’une pierre précieuse, dont la vertu singulière était de rendre le possédant admirable en tout ce qu’il faisait et aimable à Dieu et aux hommes, et ce père avait trois fils qu’il aimait également et qu’il ne voulait en rien préférer les uns aux autres. Auquel des trois, quand il mourrait, laisser l’anneau unique ? N’arrivant pas à se décider, de crainte d’injustice, il crut bien faire en le confiant à un