Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/647

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et une pour une femme de chambre ; le salon l’est aussi. Il y a dans la ville un excellent médecin qui, le régime et l’excellent air du Berry aidant, vous aura bientôt remis sur pied. La cuisine et la salle à manger sont pourvues de tout ce qui est nécessaire à une modeste existence et, si vous n’avez pas de cuisinière à emmener, je vous en trouverai en ville une ancienne à moi, qui connaît beaucoup Honoré et qu’il doit se rappeler. Elle se nomme Victoire. Vous n’auriez donc que votre malle à apporter. Permettez-moi de recommander ce projet à vos méditations. Je crois fermement que votre retour à la santé est attaché à votre éloignement de Paris, dans ce temps d’agitations auxquelles il est impossible de se soustraire. Je suis, hélas ! bien désintéressée dans la réalisation de ce projet, car je ne puis aller vous offrir moi-même l’hospitalité, et je vous verrai à peine l’un et l’autre.

Je ne sais, madame, si cette offre si familière trouvera grâce devant vous, car je vous suis étrangère ; mais j’aime beaucoup votre mari, et il me semble que nos âmes ont dû être en contact quelque part.

Je prends occasion de vous remercier de l’offre gracieuse que Sophie m’a répétée de votre part. Rien ne me ferait plus de plaisir que d’en user, mais ma position ne me permet guère d’espérer que je puisse jamais aller à Paris, maintenant surtout que mon jeune fils est revenu avec nous.

Laissez-moi espérer, madame, que vous voudrez bien agréer les sentiments affectueux que je sens naître en moi, et que je pourrai me dire toute à vous.

Votre servante,

Z. CARRAUD.

J’embrasse mon cher Honoré.



M. et Mme de Balzac n’iront pas à Nohan. Ils débarquent directement rue Fortunée une nuit, vers le milieu de mai, pour y trouver la porte verrouillée et le domestique, François Munch, devenu subitement fou, au milieu de l’hôtel illuminé. Trois mois après, presque jour pour jour, Balzac meurt le 18 août 1850.

Mme Carraud conservera pieusement la mémoire de son ami. Dans sa retraite de Nohan, elle lira et relira ces œuvres qu’elle a vues naître, mais toujours active, toujours embrasée de charité, elle se penchera sur ceux qui peinent et qui souffrent, sur les malheureux, sur les