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UNE AMITIÉ DE BALZAC
CORRESPONDANCE INÉDITE [1]

VII [2]

L’année 1837 avait été dure pour Balzac : déconfiture de la Chronique de Paris, faillite de Werdet, poursuites judiciaires. Le 1er janvier 1838, le courageux lutteur écrivait à Mme Carraud : « Salut à 1838, quoi qu’elle nous apporte ! Quelques peines qu’il y ait dans les plis de sa robe, qu’importe ? Il y a un remède à tout, ce remède, c’est la mort, et je ne la crains pas. » Et il ajoutait, vaincu par la fatigue : « Mes yeux se ferment malgré moi. Ma main ne trace plus sur ce papier des caractères qui soient lisibles... Amitié sincère et tendre en 1838 comme toujours depuis 1819, voilà dix-neuf ans [3]. »

Au printemps de 1838, il tente, pour rétablir ses affaires, une entreprise commerciale. Il s’agissait de traiter à nouveau les minerais argentifères de Sardaigne, pour en retirer ce que l’exploitation incomplète des Romains avait négligé d’en extraire. Et Balzac s’embarque à Marseille pour passer en Sardaigne [4]. De loin, Mme Carraud suit attentivement son ami et lui écrit le 3 août 1838 ;


Carissimo, j’ai rêvé à vous ; je vous tendais la main, et j’ai eu la sensation bien distincte de votre contact. Je ne vous écrivais pas, parce que je ne savais pas où vous prendre, mais j’ai rêvé à vous. Il y a eu bien certainement communication mystérieuse entre nous ; vous m’avez cherchée, puisque vous êtes

  1. Copyright by Marcel Bouteron, 1922.
  2. Voyez la Revue des 15 décembre 1922, 15 janvier, 1er février, mars, 1er avril, 1er mai 1923.
  3. Correspondance, I, 379.
  4. Correspondance, I, 392-393.