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Buenos-Ayres a pris dans la République une importance que les provinces ne cherchent plus à lui disputer ; grâce aux voies ferrées et à la navigation à vapeur, elle centralise la plus grande partie des échanges et des affaires dont l’importance ne cesse de croître. Les services qu’elle rend à la nation lui ont fait pardonner l’importance qu’elle garde. L’Argentine est fière d’avoir pour capitale la seconde ville latine, qui vient immédiatement après Paris avec un million et demi d’habitants ; c’est une ville cosmopolite, avec 300.000 Italiens, 120.000 Espagnols, 30.000 Français, mais qui reste surtout latine ; bien que les étrangers s’y nationalisent très vite, ils gardent en devenant Argentins des liens de sentiment avec leur patrie d’origine, et cette capitale sent vite et fort, je viens de le constater. On peut penser que ce sentiment de la population a réagi sur le gouvernement qui l’a partagé sans réserve et très sincèrement, je le pense.

La constitution de 1852 qui régit l’Argentine a été calquée sur celle des États-Unis, et le président a les mêmes pouvoirs à Buenos-Ayres qu’à Washington. Il nomme les ministres ; il est vrai qu’à Buenos-Ayres les Chambres ont le droit de les convoquer et de leur demander des explications, ce qu’elles ne peuvent faire à Washington ; mais s’il y a un différend, on ne peut que le constater, et le président peut passer outre à la volonté du Parlement ; c’est ce qui s’est produit à propos de la guerre mondiale. Il eût fallu une révolution pour que l’Argentine entrât dans la guerre.

A vrai dire, cette constitution est discutée par les hommes politiques et les jurisconsultes argentins. Le fédéralisme donne à tous les États un appareil gouvernemental très lourd et très coûteux pour certains d’entre eux : un gouverneur, deux Chambres, pour moins de 100 000 habitants ; le droit de légiférer sur beaucoup de questions d’intérêt général créerait vraisemblablement de grands désordres, s’il n’y avait avec la Constitution quelques accommodements, qui rétablissent l’action du pouvoir central en cas d’abus locaux. Et puis le pays se peuple si vite, il est si riche, il a tant d’avenir, qu’on peut lui faire crédit.

L’agriculture et l’élevage sont ses seules richesses visibles, et se développent sans cesse. Les terrains irrigués augmentent par le travail constant ; les cultures et les pâturages se développent