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dans ce large fleuve. Nous voici donc en route, par un temps qui devient nettement mauvais.

Mon second, M. Dupeyrat, nous a quittés au Chili et il nous a rejoints à Mar del Plata par voie ferrée en visitant Mendoza et Buenos-Ayres. Il rapporte des renseignements consolants et intéressants sur les œuvres françaises qu’il a encouragées ; des entreprises viticoles prospèrent sous une direction française ; nos plants de vigne et nos méthodes de culture et de vinification donnent de très bons résultats. Ces vignes ne feront jamais concurrence à nos grands crus, car il leur manque le terroir, mais elles donnent dès maintenant de très bons vins ordinaires, et peut-être aussi quelque ’cru spécial se trouvera, avec son bouquet particulier.

Le gouvernement de Buenos-Ayres n’est pas encore très bien fixé sur la façon dont il convient d’accueillir ma mission. Je ne suis pas ambassadeur extraordinaire comme au Pérou, et je n’ai aucune lettre de créance ; le message de courtoisie et d’amitié que j’apporte au Gouvernement et au peuple argentin me donne pourtant un caractère diplomatique que le protocole cherche à définir... M. Dupeyrat est chargé de m’inviter à descendre au Jockey-Club et il m’explique que ce cercle compte environ 3 000 membres, dont tous les grands propriétaires qui font la fortune de l’Argentine par des entreprises dont je viens de constater l’importance à Chapadmalal.

A l’entrée du fleuve, la sonde nous donne moins de 8 mètres : la tempête qui souffle au large fait pression sur l’Océan et l’appel de cette surface immense amène dans l’estuaire une baisse légère. Sans doute, des bâtiments construits en conséquence pourraient affronter cette difficulté : les fonds vaseux cèdent à la pression et on chemine alors en y traçant son sillon. Les prises d’eau de la machine doivent en ce cas être placées assez haut pour éviter de s’envaser ; le Jules Michelet destiné uniquement à la haute mer, a ses prises d’eau très bas et ses chaudières s’encrasseraient immédiatement. Il nous faut donc mouiller et attendre qu’on vienne nous chercher.

C’est un petit vapeur, le Triton, qui arrive le premier. La Ligue maritime et coloniale française a ici une filiale très active qui l’a nolisé pour venir à notre rencontre ; recevant nos messages de T. S. F. qui signalaient notre désagréable situation, le Triton a poussé jusqu’ici. Nous transbordons par une mer très