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souhait ; c’est d’ailleurs la même qui dans ces parages a déjà construit le port de Montevideo.

Le directeur se loue de ses rapports avec le gouvernement argentin. Le contrat avait été rédigé suivant les prix d’avant-guerre, et nul ne pouvait prévoir la hausse générale des machines et de la main-d’œuvre : il était devenu inexécutable. Le gouvernement l’a parfaitement compris et a admis un juste relèvement des prix. Je suis heureux de m’asseoir à la table du directeur, au milieu de ses ingénieurs qui tous ont fait la guerre, et en visitant les ateliers, de serrer la main de quelques chefs ouvriers qui sont mes anciens soldats.

Notre après-midi est occupée par une visite aussi intéressante qu’instructive, celle d’une estancia. Le propriétaire de cet établissement agricole, M. Miguel Martinez de Hoz, nous emmène en automobile. Pour arriver à son domaine de Chapadmalal, nous roulons à travers des champs et des pâturages immenses ; nous avions bien l’idée des progrès que le machinisme et les engrais peuvent apporter à l’agriculture ; mais c’est l’élevage rationnel qui nous a frappés avant tout : nous faisons connaissance avec les premiers prix des concours anglais, les taureaux de Durham de pur sang inscrits au Herd book ; ces bêtes de grand luxe sont taillées carrément en larges plans, blocs cubiques de chair et de graisse supportés par des jambes fines et couronnés d’une tête également très fine, avec de petites cornes. Le propriétaire nous indique le prix de quelques-uns, 400 000 francs, 600 000 francs... Leur étable est un palais où tout brille ; un personnel de choix venu d’Angleterre avec ces seigneurs veille à leur alimentation et à leurs ébats. Leur descendance immédiate n’est point destinée à la boucherie, mais à la reproduction, et c’est seulement leurs petits-fils que nous mangerons.

C’est ainsi que, par croisement, sélection, alimentation rationnelle, se forme le troupeau argentin.

Les chevaux sont l’objet des mêmes soins. Voici les pur sang, vainqueurs du Derby d’Epsom ou du grand prix d’Auteuil. Leur pedigree remonte à 6 ou 8 générations et ils donneront naissance à d’autres vainqueurs. Mais voici aussi les étalons destinés à fournir des bêtes de labour et des chevaux de trait pour la carrosserie et les transports. Même confortable et même luxe dans les écuries que dans les étables et le haras est magnifique.