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La garnison se compose d’un bataillon que son chef me présente et fait défiler devant moi très correctement. J’accepte son invitation à déjeuner au mess des officiers. Il a fait un stage de deux ans dans l’armée allemande et nous communique des remarques intéressantes. La colonie française m’invite à dîner à l’hôtel et la soirée se termine par un bal au cercle français où nos jeunes officiers de marine remportent leurs succès habituels. Mais ils ne peuvent les poursuivre bien longtemps, car nous appareillons à onze heures et demie du soir.


L’ARGENTINE

Nous faisons escale à Mar del Plata, où nous allons prendre pied pour la première fois sur le sol argentin. Une entreprise française y construit un grand port en eau profonde qui pourra desservir d’abord des provinces où les produits agricoles donnent un fret important, puis abriter les navires du plus fort tonnage qui ne peuvent remonter le Rio de la Plata ; enfin des bassins seront spécialement aménagés pour la flotte de guerre, qui ne dispose en ce moment que du port militaire de Bahia Blanca, trop éloigné du centre de la République.

Mar del Plata n’était jusqu’à présent qu’une station balnéaire très fréquentée, et nous voyons les villas de plaisance parsemées dans ses environs, les casinos, les bains de mer ; il va devenir en même temps un grand entrepôt commercial, où s’embarqueront les viandes frigorifiées, les peaux, les laines et toutes les céréales. C’était déjà le Trouville de Buenos-Ayres, ce sera bientôt Le Havre et Cherbourg.

Après les visites d’usage, nous parcourons les travaux du port. D’abord les carrières d’où sortent les matériaux, puis la fabrication des blocs de 10 à 12 mètres cubes, en pierre et ciment, qu’un petit chemin de fer transporte à l’avancée de la digue. Des machines enlèvent délicatement ces masses de 30 à 40 tonnes et les précipitent dans la mer. Quand la chaussée a une élévation suffisante, les derniers blocs sont placés avec soin, jointifs, calés de façon à assurer la cohésion parfaite de l’ensemble. Ici la tâche est particulièrement difficile, car aucune île, aucun banc rocheux ne vient briser le premier choc des lames ; c’est l’Océan Atlantique qu’il faut dompter en l’affrontant. Mais l’entreprise est entre bonnes mains et marche à