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maisons à un étage. Mais les souvenirs du passé sont rares.

Toutefois, on a conservé la citadelle bâtie en 1541 par Valdivia, Santa Lucia, où le conquérant du Chili a résisté victorieusement aux assauts des Indiens ; elle est entourée d’un beau parc, où s’élève sa statue, l’unique monument qui perpétue le souvenir d’un conquistador. Fernand Cortez et François Pizarre n’en ont pas. Mais la mémoire de Valdivia ne s’obscurcit pas des mêmes atrocités qui souillent celle de ses émules de gloire, et il mourut les armes à la main, au cours d’une expédition contre les sauvages araucans du Chili méridional.

Santiago n’est pas seulement une ville d’affaires ; elle s’enorgueillit de son université et de ses établissements scientifiques. La société est très instruite et l’enseignement du français ne figure pas seulement comme obligatoire dans les programmes officiels : plus qu’ailleurs, les études de droit et de médecine se font directement dans les ouvrages édités en notre langue, et à la bibliothèque publique de Santiago, on lit plus d’ouvrages en français qu’en espagnol.

Nous sommes comblés des plus délicates attentions. Les réceptions se multiplient en notre honneur et le dîner donné par le Président de la République est particulièrement brillant.

La colonie française, dont l’accueil est d’une touchante cordialité, nous offre un grand banquet.

La presse, très sérieuse et très bien renseignée, publie des détails circonstanciés sur la carrière de chacun d’entre nous : c’est une occasion de rappeler l’histoire de la Grande Guerre. Il n’est pas jusqu’à Baba, mon ordonnance soudanais, qui ne devienne un personnage d’actualité ; au sujet de notre voyage on lui prête les impressions les plus curieuses, mais on ne prête qu’aux riches. De fait, Baba, qui a appris à lire et à écrire pendant la guerre, est un observateur fort judicieux, et dans ce pays, qui voit bien rarement des hommes de sa race, il est une vivante réclame pour nos troupes noires. — Ses faits et gestes remplissent la presse, et notre présence est même utilisée par une ingénieuse publicité. Je lis en effet en gros caractères : « L’illustre général Mangin se courroucera contre vous... » et en plus petits : «... Si vous n’achetez pas votre chapeau à la chapellerie « la Perfection », telle rue, tel numéro »...