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« Et lorsqu’apparut la sublime aurore du triomphe, nos yeux, Messieurs, se remplirent de larmes !

« L’émotion et la joie nous envahirent eh entendant votre Marseillaise victorieuse aux rythmes éclatants résonner au loin en de gigantesques accords sur les eaux, sur les terres et dans les airs. »

J’ai pris acte de cette solennelle affirmation d’une communauté de sentiments entre les deux peuples, aux heures les plus graves de la guerre, et j’ai pris l’engagement d’en témoigner en France, à toute occasion. Puis les sénateurs et les députés se réunirent dans leur salle commune, où nous nous sommes entretenus familièrement, et c’est en hommes très avertis qu’ils m’ont interrogé sur la situation actuelle de notre pays. Les déclarations les plus solennelles des Gouvernements et la lecture des journaux étrangers laissent un peu de scepticisme dans l’esprit ; ce sont des documents fragmentaires, une image morcelée de la situation dont il est difficile de reconstituer l’ensemble. Un conférencier sera suspect de partialité pour son propre pays ; sa parole étudiée a forcément une allure d’affirmation péremptoire : il plaide. Au contraire, un témoin d’évidente bonne foi, qui se prête aux interrogations, qui les provoque même, est plus convaincant.

J’ai donc résumé nos charges présentes, courageusement acceptées par la nation qui s’est remise au travail ; quelques chiffres sur l’état des régions dévastées, sur les réparations déjà faites au compte de l’Allemagne, qui organise sa faillite, précisent la situation : le point noir, c’est la ferme volonté de notre ancien adversaire d’échapper à la nécessité de payer, de faire honneur à sa signature. C’est cette volonté qu’il faut briser, et comment ? La guerre n’est pas une solution, puisque nous ne pouvons exiger qu’une faible partie de ce que nous a coûté la dernière. Personne ne peut vouloir la guerre, sauf quelques fous de l’autre côté du Rhin, que leurs concitoyens finiront par remettre à la raison, il faut l’espérer. Pourtant nos impôts ont triplé, quadruplé ; certains ont quintuplé et nous avons trouvé de nouveaux moyens de faire payer le contribuable français. Et nous nous endettons tous les jours pour le compte de l’Allemagne, qui se livre à une orgie de dépenses de toute nature, quadruple ses lignes stratégiques, creuse tout un réseau de canaux, reconstruit sa marine marchande, etc... et malgré le