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Le lendemain, un train spécial nous emmène vers Santiago, après des adieux pleins de cordialité. L’état-major du Jules-Michelet a été reçu la veille au Club Naval, et des fêtes sont préparées pour l’équipage, qui sera débarqué par tiers : l’embarquement du charbon et des vivres nécessitera le maintien de nombreuses corvées à bord. Au départ de Valparaiso, nous parcourons un pays verdoyant, bien cultivé, et, après avoir franchi quelques défilés rocheux, nous arrivons à la bifurcation du transandin, qui se dirige sur Mendoza et Buenos-Ayres. La vallée s’élargit, les hautes cimes des Andes barrent l’horizon vers l’Est, tandis que, vers l’Ouest, s’étend une chaîne de montagnes beaucoup moins élevées, de 600 et 1 000 mètres, dont la constitution géologique est antérieure à celle de la Cordillère. C’est entre ces deux chaînes, du 30° au 40° de latitude Sud, que tient tout le Chili fertile et peuplé : au Nord, des déserts riches en nitrates ; au Sud, des forêts et des mines dont l’exploitation commence seulement, puis les solitudes de la Patagonie que parcourent vers le détroit de Magellan de nombreux troupeaux. Dans la zone centrale, qui n’occupe pas le tiers du territoire chilien, tiennent les 7/8 de la population, 3 millions et demi sur 4 millions.

L’unité de ce peuple a été grandement facilitée par la densité de la population, groupée dans la région centrale, et rendait possible l’instruction primaire, qu’un gouvernement éclairé n’a pas manqué de développer. Cette région centrale a été conquise par les Incas peu avant l’arrivée des Espagnols ; elle était peuplée par la race Aymara, qui s’étendait sur la Bolivie et une petite partie du Haut Pérou. L’élément indigène a été absorbé par les conquérants et actuellement tous les Chiliens parlent espagnol, beaucoup lisent et écrivent cette belle langue : évidemment, le sang indien est encore visible dans les classes laborieuses, les « rotos, » mais le langage, les vêtements, la religion, les mœurs sont partout les mêmes et affirment l’unité nationale. Il faut aller chercher les aborigènes Araucans dans le Sud, où ils ont lutté jusqu’en 1881, faisant respecter par des traités une sorte d’indépendance, après des luttes dont le souvenir ne s’est pas encore perdu et honore vainqueurs et vaincus. La rivière Bio-bio a servi de frontière à la domination espagnole, puis au gouvernement indépendant de Santiago.

Le climat tempéré et humide se passe ici de la main-d’œuvre