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Le nombre des petits propriétaires, qui était en 1911 de 1 715 000, s’est beaucoup accru pendant ces dix dernières années, le paysan, en Italie comme en France, ayant généralement employé à acheter de la terre les gros bénéfices réalisés au cours de cette période. Les grands domaines tendent à devenir plus rares dans les provinces du Nord et du Nord-Est ; ils sont encore très nombreux dans les régions méridionales.

Le fermage à bail d’argent est, en général, moins usité que le métayage ou la culture à part de fruits, la quotité réservée au propriétaire variant suivant la nature du produit et suivant les régions. Les statistiques de 1911 donnent 694 000 fermiers, contre 1 581 000 métayers ou cultivateurs à part de fruits. Enfin la classe des ouvriers journaliers est de beaucoup la plus nombreuse : elle comptait, à cette date, 4 215 000 travailleurs des deux sexes. On désigne communément les métayers par le nom de mezzadri et les journaliers par celui de braccianti.

Les mezzadri, fixés depuis des générations sur le domaine qu’ils cultivent, forment un élément stable, discipliné, naturellement conservateur ; l’intérêt qu’ils ont à exploiter au mieux, c’est-à-dire à tirer du sol le maximum de produit sans l’épuiser, fait des mezzadri les alliés des propriétaires. Les braccianti constituent un élément mobile, souvent violent, indifférent au résultat de l’exploitation ; l’effort de l’ouvrier journalier se limite à trouver du travail et à se faire payer le plus cher possible. La lutte devait nécessairement éclater entre mezzadri et braccianti. C’est en Romagne qu’elle a pris la forme la plus vive et la mieux caractérisée.

La Romagne est une des régions les plus riches et les mieux cultivées de toute l’Italie ; le paysan romagnol, intelligent, laborieux, très attaché à sa terre natale, n’émigre presque jamais. Il aime passionnément la politique, ses ligues, ses conspirations et ses batailles : ce goût traditionnel s’explique par l’histoire même du pays. En Romagne, le métayer est républicain, le journalier est socialiste ; l’un et l’autre sont anticléricaux, avec conviction, mais sans haine. L’étiquette républicaine pourrait prêter à équivoque : le mezzadro romagnol n’est pas en opposition déclarée avec les institutions monarchiques de son pays, mais il est démocrate, et même révolutionnaire, selon la formule de Mazzini ; or la théorie mazzinienne est anti-collectiviste. Etre républicain, cela consiste essentiellement à lutter contre