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près de la ville, sous des arbres, au bord d’un petit canal d’eau courante. C’est l’emplacement d’un gentil café qu’on a délogé pour nous mieux installer. Combien j’aimerais me reposer dans cet endroit charmant ! Mais le Caïmakan nous a invités chez un notable de l’endroit, Abdul Khader Effendi Tahbouf. Tout de suite, j’interroge mes hôtes.

— Avez-vous ici des Ismaéliens ? Connaissent-ils Rachid-eddin ?

Et mon Caïmakan de rire.

— Des Ismaéliens, on n’en a jamais tant vu.

— Comment ! ils font des recrues ?

— Pas une. Dans ce pays, on ne tire jamais personne d’une croyance à l’autre. On croit de père en fils.

— Alors ?

— Autrefois, quand j’étais jeune, il y avait beaucoup d’Ismaéliens à Homs et à Hama, seulement ils priaient dans les mosquées et ne se laissaient connaître que de leurs coreligionnaires des montagnes. Depuis la Constitution, ils se déclarent Ismaéliens, et à ce titre demandent d’avoir un représentant dans les comités locaux ou à la Chambre. Mais on leur répond : « Vous avez toujours dit que vous étiez musulmans. »

— J’aimerais causer avec quelqu’un d’eux.

Cette idée ajoute à la joie du Caïmakan, mais un de nos hôtes me dit :

— À Qadmous,. vous avez bien vu le cheikh Ali Soleiman ?

— Je n’ai même pas entendu son nom. Pourtant j’ai demandé à tout le monde des détails sur les Ismaéliens.

— Cet homme n’aime pas les relations. Il ne se mêle pas au monde.

— D’ailleurs, il est mort, remarque un convive.

— Enfin, mort ou vif, qu’aurait-il pu me raconter d’intéressant ?

— C’est lui qui, il y a vingt-sept ans, est allé à Bombay et en est revenu en niant que Mohammed Shah fut la divinité. Mais deux ans après lui, un autre cheikh, de Khawabi, celui-là, un nommé Achmet Mohammed, a fait le même voyage. Il est resté deux ans à Bombay, et de retour à Khawabi, il a dit : « J’ai trouvé le dieu. Le dieu, c’est Mohammed. » Et dès lors, ses partisans commencèrent à prendre le cinquième de tout ce qu’ils possédaient pour l’offrir au dieu. Quand il mourut, son frère, le