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devaient se diviser à nouveau et dépérir, tels que je les vois aujourd’hui. Combien les documents s’éclairent à l’aide de l’esprit qui flotte dans cette nature et s’exhale de ces ruines ! Quelle jouissance une semaine d’études dans ce lieu me réserverait ! Que n’y suis-je avec quelqu’un de nos maîtres de la Société Asiatique !

… Nos guides exigent que nous partions ; la nuit s’approche, et, plus encore, un formidable orage. En cours de route, il éclate. Eclairs et coups de tonnerre répercutés dans la montagne.

Le fils de Mohammed Taha Effendi nous offre de passer la nuit au village de Djounet, dans une maison appartenant à son père, mais cette invitation est déclinée, et nous continuons notre chemin, après nous être reposés un instant. La nuit vint s’ajouter à la tempête.

Quand nous arrivâmes trempés à Qadmous, ce fut pour trouver notre campement inondé. Erreur que l’on avait faite de ne pas creuser un petit fossé circulaire autour de chaque tente ! Cependant le moudir, que nous avions invité, arrivait avec ses plateaux. Dîner aux lumières incertaines, et lèvent agitant les tentes. Après mille insistances, il faut bien que j’accepte d’aller passer la nuit chez l’émir Tamer-Ali. Grand divan circulaire, espèce de dortoir. Au matin, déjeuner. L’Emir insiste, avec une courtoisie de grand seigneur, sur l’honneur qu’il lui plaît de dire que je lui ai fait. Mais je n’en tire rien sur l’ismaélisme. Les Ismaéliens de haut rang sont-ils plus prudents que leurs humbles coreligionnaires, qu’ensuite à Khawabi il me fut donné de voir ? Ou bien à Qadmous doivent-ils se surveiller ?

Notre départ a été fixé à dix heures. Mais Ladki Bey, qui, dès son arrivée, avait couru à la mosquée, se fait longuement attendre, parce qu’il y prolonge encore ses prières. Ainsi tout le village saura qu’un bon musulman nous convoie.

En route enfin ! Je quitte des hôtes pleins de délicatesse, et un horizon dont je n’ai pas épuisé l’intérêt. Ces départs rendent sensibles les images des livres saints. « L’espoir de l’impie est comme le souvenir de l’hôte d’un jour qui ne fait que passer. Tanquam memoria hospitis unius diei praetereuntis. »