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classes bourgeoises son point d’appui naturel ; c’est parmi les étudiants, les intellectuels, les professionisti, que se sont recrutées d’abord les fameuses « escouades » de chemises noires ; les banquiers, les industriels et les commerçants ont vu dans le fascisme une garantie et une protection contre les exigences et les menaces des organisations ouvrières. La dépense considérable que représentent l’équipement et l’armement d’au moins cent cinquante mille hommes, leurs déplacements pour des expéditions fréquentes et parfois de grande envergure, demeurerait inexplicable, si la bourgeoisie qui possède et qui produit n’y avait pas largement contribué, reconnaissant ainsi les services rendus.

Le fascisme a très opportunément développé dans la jeunesse bourgeoise l’énergie, la discipline, l’esprit de solidarité et de sacrifice. Le règlement intérieur des « escouades » est d’une extrême rigueur, et les chefs veillent à ce qu’il soit strictement observé ; certains manquements entraînent même, dit-on, des punitions corporelles. Pour que les jeunes Italiens, naturellement indépendants et individualistes, aient accepté volontairement une sujétion aussi étroite, il faut qu’ils en aient senti le besoin et qu’ils soient soutenus dans leur effort par un patriotisme ardent et par une profonde conviction.


LES PAYSANS

L’Italie étant essentiellement un pays agricole, un rôle important est dévolu, dans sa structure sociale comme dans son économie, à ceux qui possèdent la terre et à ceux qui la cultivent. D’après le recensement du 10 juin 1911, sur vingt-six millions et demi d’Italiens au-dessus de dix ans, plus de neuf millions vivaient de l’agriculture, tandis que l’industrie en occupait moins de cinq millions et le commerce moins d’un million [1]. Depuis lors, par suite du développement de certaines industries pendant la guerre, cette proportion s’est légèrement modifiée : néanmoins, l’agriculture tient encore aujourd’hui le premier rang, parmi les branches de l’activité italienne. Dans la population agricole, on peut distinguer trois classes : les propriétaires, les fermiers et métayers, les ouvriers journaliers.

  1. Annuario Statistico, 1917-1918, p. 32, Rome, Bertero, 1919.