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rêves, sur les deux ailes de l’ambition et de la religion. Écoutez ce feuillet qui provient du pillage de Masyaf et qui, offert à la Société Asiatique par le Consul Rousseau, a été publié par . M. Stanislas Guyard.

Le Vieux de, la Montagne parle, et il dit :

« Compagnons ! La terre gémissait, les cieux s’agitaient. Alors je suis apparu sous la forme d’Adam, et ma religion, ma prédication, mon enseignement furent représentés sous la forme palpable d’Eve, qui contient toute l’humanité. Puis ce fut un progrès : j’apparus dans le cycle de Noé, et les créatures furent submergées, hormis celles à qui je communiquai mon inspiration et ma grâce… Ensuite, j’ai paru dans le cycle d’Abraham, sous les trois noms d’étoile, de soleil et de lune, et l’on me rendait le culte des astres… Puis j’ai parlé à Moïse en termes clairs et non voilés… J’ai été, sous la forme d’Aaron, la Porte pour les aspirants. . Ensuite, j’ai passé sous la forme de Notre Seigneur le Messie, et j’ai effacé les péchés de mes enfants… Ensuite, je me suis manifesté sous la forme d’Ali. Mais la religion n’a été parachevée pour vous que lorsque je vous suis apparu sous la forme de Rachid-eddin Sinan… La maison n’est pas vide des germes éternels. Je suis le témoin, le surveillant, le souverain, au commencement et à la fin. Vous dites : « Un tel a passé, un tel lui a succédé. » Je vous enjoins, moi, d’attribuer toutes ces figures à une seule personnalité. Je suis le souverain maître. Ne vous écartez jamais de celui qui a reçu votre engagement… »

Peut-on établir son autorité avec une ampleur plus majestueuse que par ces grandes vues de métempsycose ? Comme le Vieux de la Montagne se saisit des imaginations, quand il nous révèle qu’il est l’éternelle sagesse, se dévêtant d’un de ses voiles à chacune de ses apparitions successives à travers les âges ! Et de fait, sa doctrine n’est explicable qu’à l’aide d’un grand nombre de siècles. Elle semble avoir recueilli des débris de toutes les religions qui fleurirent, depuis l’origine des temps, sur le sol à cette heure asservi par Mahomet. Ah ! le Vieux peut dire que la maison n’est pas vide des germes éternels. Avez-vous remarqué ce passage où il raconte que jadis on lui rendit « le culte des astres ? » C’est qu’il n’appartient pas au sang du prophète et que, parlant non loin des ruines de Baalbek, il veut être de la parenté du Soleil.

Cependant, si habile que fut Sinan, tous ne croyaient pas en