aussi « des précédents. » Le poète se plaindrait-il de n’avoir pas eu de précédents, c’est-à-dire de modèles antérieurs ? Telle quelle, à ma connaissance, cette poésie arabe est inédite. J’ai recherché si elle ne se trouverait pas, soit dans le texte du travail de Stanislas Guyard sur Rachid-eddin Sinan, soit dans l’édition du Caire du « Livre des deux Jardins » d’Abou-Chama. Rien de ce côté-là…
Aldallah Elias, qui me voit enchanté d’acquérir un texte dont je voulais déjà croire que j’enrichirais le trésor des savants, se pique d’émulation. Il méprend à part pour me conter, en grand secret, une légende qui court ici sur l’origine de la religion ismaélienne. Rachid-eddin était un grand chef, un des lieutenants du roi « El Daher. » Il s’amouracha follement d’une vierge nommée « Roda, » laquelle se montra insensible. Il la harcela tant que, pour finir, elle consentit à l’épouser, à la condition qu’il la fit adorer de toute la tribu. Rachid-eddin accepta le défi. Il composa un livre sacré où il prédit la venue d’une personne destinée à être adorée, et il la peignit sous les traits de sa propre déesse. Ce livre terminé, il le cacha sous une pierre dans les environs d’une source. Peu après, s’en étant allé dans une grande cérémonie, il s’endormit devant tous, et soudain, se réveillant en sursaut et, comme en proie à un rêve terrible, il déclara à ses hommes que l’ange Gabriel venait de lui apparaître et lui avait révélé qu’un message du ciel était enfoui près de la source… On devine la suite : tous s’y portèrent, trouvèrent le livre, en suivirent les leçons et adorèrent l’amante de Rachid-eddin, en même temps qu’ils adoptaient la religion ismaélienne.
Je demande à mes hôtes s’ils possèdent des manuscrits, des livres, une façon quelconque de bibliothèque… Oui, en été, gens du peuple ou notables, ils se réunissent volontiers près des sources, et l’un d’eux fait à haute voix la lecture dans des cahiers qu’ils me montrent, des cahiers imprimés au Caire et qui s’achètent ou se louent. Sur l’heure, ils se mettent à m’en réciter ou chanter de mémoire beaucoup de poèmes qu’ils admirent. Ah ! les agréables minutes ! Mon plaisir les réjouit, Abdallah Elias m’invite à l’accompagner dans un village Nosseïri qui lui appartient. « Là, me dit-il, nous aurons un bal. Les dames Nosseïris et leurs maris, au nombre de deux ou trois cents, danseront à visage découvert. » Cette liberté, extraordinaire dans le