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d’excellentes manières et parlant le français, qui est employé à la régie des tabacs de Lattaquich. Il vient d’apporter au moudir de Qadmous, de la part du Caïmakan de Banias, Hussein Effendi Massarani, l’ordre de nous rendre de grands honneurs. Et, nous ayant exprimé fort galamment son intention de nous accompagner jusqu’à Tartous, il prend sur l’heure la direction de notre caravane.


QUADMOUS

Belle entrée dans Qadmous. Nous passons sans nous arrêter auprès de nos tentes, déjà toutes dressées, car elles nous ont devancés, tandis que nous déjeunions, et Abdallah nous conduit tout droit chez un notable ismaélien, Mohammed Taha Effendi, qui veut bien nous prier à dîner.

Ses invités sont là ; on palabre, les heures s’écoulent, je ne vois rien venir…

— Enfin, dis-je, qu’est-ce qu’on attend ?

— Que vous daigniez donner vos ordres, me fait répondre en s’inclinant mon hôte.

Je ne vais pas vous décrire les plateaux qu’on apporte alors, chargés d’une ou deux douzaines de curiosités de bouche, prodigieusement parfumées. Essayons plutôt de rétablir la conversation.

— Vous me montrerez votre château, dis-je aux Qadmousiens.

Et tous de me donner des renseignements qui complètent ceux que j’ai recueillis à Masyaf. Quand les Nosseïris se furent emparés du château de Masyaf, ils vinrent assiéger celui de Qadmous. Un Ismaélien de Khawabi, dont ils me donnent le nom, que je vais sûrement estropier, le cheikh Ali-el-Hage, courut prévenir Alep, Homs, Hama. Mais là-bas on perdit du temps ; le Gouvernement ottoman, avant d’envoyer Youssouf Pacha et des troupes, fit prendre par les savants, par les grands cheikhs, un fatwas, une décision pour dire que les Ismaéliens sont musulmans. Les gens de Qadmous, qui ne voyaient rien venir, qui ne savaient même pas qu’on s’occupât d’eux, se rendirent aux Nosseïris, à condition que leur vie serait sauve, et ils quittèrent le pays. Sur les entrefaites, Youssouf Pacha arriva, bombarda la forteresse, chassa les Nosseïris, et commença à ramener les Ismaéliens. Mais la forteresse resta demi détruite, et