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car nous sommes au printemps ; le carillon des mules commence, et voici le moudir et les notables qui nous apportent leurs aimables adieux.

À cheval, en file indienne, nous traversons Masyaf. D’un dernier regard, j’aime la belle forteresse et ce coin perdu, ou je suis venu vérifier mes rêves et les transmuer en données positives. Puis, tout droit, nous attaquons la haute montagne.

Une petite croupe, un ravin, et l’ayant longé et traversé, nous nous trouvons en présence d’un nouvel étage de rochers, où serpente une nouvelle vallée, jusqu’à ce que nous arrivions sur un plateau broussailleux. On le descend à l’Ouest, on franchit un ruisseau qui coule du Sud au Nord, puis l’on gravit, au long d’une petite gorge, pendant deux heures, des éboulis et des broussailles. Et c’est alors un nouveau plateau, dont nous suivons les sinuosités pour gagner une colline où commence la « route carrossable. »

Quelle description difficile ! Sûrement, je manque d’imagination topographique. C’est qu’au milieu de cette immense pierraille, qui roule sous nos pieds, et dans cet enchevêtrement de vallées, sous ce soleil infernal, je ne pense qu’à voir, après Masyaf, Qadmous. Il ne faut me demander que, la description de cette obsession d’amoureux. Sur mon carnet, tout est confusion, sauf trois lignes : « Traversée pénible de la chaîne des Ansariés, terrain rocheux, légèrement boisé et sans eau. Arrivée à onze heures à Aïn-Hassan, petite source, où nous sommes heureux de nous asseoir, tandis qu’un berger qui s’approche nous vend du lait de ses chèvres. »

À cette heure du déjeuner, nous sommes dans la grande montagne, où les masses de calcaire alternent avec les bancs d’argile. L’horizon est immense, terminé par la mer. Notre route dorénavant va serpenter sur une espèce de plateau un peu accidenté, jusqu’à ce qu’elle descende franchement à Qadmous. Mais si large que soit la vue, ce Qadmous nous demeure masqué par une colline à notre droite, et ne surgira qu’une demi-heure avant notre arrivée, une faible ruine sur un haut massif de soulèvement, autour duquel les terrains ont été emportés. Un grand paysage théâtral….

À cette minute de l’apparition, vers une heure de l’après-midi, nous sommes abordés en fantasia par la plus brillante escouade de cavaliers. À sa tête, Abdallah Elias, jeune homme