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UNE ENQUÊTE
AUX
PAYS DU LEVANT[1]

VI[2]


XII. — LE VOYAGE AUX CHÂTEAUX DES ASSASSINS

L’esprit tout plein de ces histoires, un beau jour de mai, je suis enfin parti de Beyrouth, en compagnie de M. Chapotot, du Père Colangette et de Ladki Bey, et le soir nous avons couché à Baalbek.

Je ne vous raconterai pas cette première journée, non plus que mon passage du lendemain à Homs. Nous avons déjà vu Baalbek et je reviendrai à Homs, sitôt que j’aurai l’esprit libre de ces Hashâshins qui m’obsèdent. Pour l’instant, je suis tout avec eux, et je me réjouis qu’il me soit permis de les aborder à peu près comme fit Rachid-eddin Sinan, quand il arriva d’Alamout. Les chroniqueurs nous disent que sa première étape, dans le pays des Ansariés, fut le château de Masyaf. Il l’inspecta, sans s’y faire reconnaître, puis s’en alla au château de Qadmous, et de là, toujours anonyme, gîta durant des années, dans une masure, au pied du château d’El Kaf, qui était le centre du pouvoir des Hashâshins et le séjour de leur chef Abou-Mohammed qu’il venait espionner. Comment ensuite il se fit reconnaître, au lit de mort de cet Abou-Mohammed, et régna en digne

  1. Copyright by Maurice Barrès, 1923.
  2. Voyez la Revue des 15 février, 1er et 15 mars, 1er avril et 15 mai.