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protégés, qu’il y ait des postes vacants. Au Parlement, dans la presse, on réclame depuis plusieurs années avec une insistance croissante la réduction du nombre des fonctionnaires. Plusieurs raisons, d’ordre électoral et d’ordre social, y avaient jusqu’à présent fait obstacle. M. Mussolini a eu le courage d’inscrire en tète de son programme une réforme complète de la bureaucratie.

Les fonctionnaires italiens sont organisés : sections et chambres confédérales sont reliées depuis peu à un organe central qui porte le nom de « Fronte Unico. » La défense des intérêts de classe revêt parfois la forme la plus menaçante, et Je Gouvernement avait pris l’habitude de donner satisfaction, dans une certaine mesure, aux demandes impératives. D’autre part, les interventions toujours plus nombreuses de l’Etat entraînaient la création incessante de nouveaux emplois. La véritable réforme, la seule efficace, eût consisté à « diminuer le nombre des affaires de l’Etat et à faire que la nature de ces affaires fût simple. » Mais l’entreprise ainsi définie semblait dépasser les forces et le courage de n’importe quel ministère, et les députés continuaient à demander la « décongestion » des services publics, sans se soucier beaucoup de l’obtenir.

Les augmentations de traitement, les indemnités de résidence et de vie chère ont favorisé les petits employés dans une plus large mesure que les hauts fonctionnaires. Relativement aux autres pays, tous sont rétribués d’une manière insuffisante ; mais, si on les compare entre eux, les grands semblent encore plus mal payés que les petits. Le résultat, au point de vue social, est que la carrière administrative développe à l’excès une classe improductive de tout petits bourgeois, sans préparer en assez grand nombre les éléments d’une haute bourgeoisie, à qui l’aisance matérielle permette de contribuer largement au progrès intellectuel et moral de la nation.

Les officiers, bien que leur solde ait été légèrement relevée après la guerre, ne sont guère mieux partagés que les fonctionnaires civils. La médiocrité de leur condition économique ne se trouve compensée, ni par des privilèges honorifiques, comme dans l’ancienne armée allemande, ni, comme dans la nôtre, par ce prestige traditionnel qui fait que la plus riche et la plus noble des héritières peut épouser sans déchoir un lieutenant sans nom et sans fortune. L’officier italien, sorti le plus souvent d’un milieu modeste, s’élève rarement par son mariage à un degré