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attachée à la terre qu’elle possède et aux traditions qu’elle représente ; un peuple que son intelligence naturelle et sa finesse instinctive rapprochent de l’aristocratie, mais que ses conditions de vie en éloignent infiniment, et rien entre les deux : voilà ce que fut longtemps la société italienne et ce que, dans certaines régions, elle est encore aujourd’hui. La classe intermédiaire, la bourgeoisie, s’est constituée lentement, difficilement ; formée d’éléments très divers et de valeur très inégale, elle manque d’unité autant que de traditions. La culture qu’elle a acquise n’a réagi que faiblement sur ses goûts et sur sa manière de vivre. L’exercice des professions libérales qui, en d’autres pays, confère une certaine dignité, un certain rang social, n’a pas produit en Italie une différenciation bien accusée. Sauf quelques exceptions, dues à la fortune ou au talent, les avocats, les médecins, les professeurs, en un mot ceux qu’on appelle les « 'professionisti, » tout en jouissant d’une haute considération morale, sont loin de tenir dans la société une place équivalente à celle qu’y occupent leurs collègues français, anglais ou allemands. Le développement de l’industrie et du commerce a créé une autre bourgeoisie, active, riche, souvent fastueuse, qui joue un rôle important dans la vie économique du pays, mais ne remplit pas exactement la fonction sociale et morale dévolue aux classes bourgeoises dans une nation moderne. L’Italie a souffert de cette lacune qui, à l’heure actuelle, n’est pas encore entièrement comblée.


LES FONCTIONNAIRES. — LES OFFICIERS

L’aristocratie italienne avait pris à l’œuvre du risorgimento une part considérable ; sans se tenir tout à fait à l’écart des affaires publiques, elle s’en occupa moins activement, le jour où l’Italie eut réalisé son unité. On vit se former alors une sorte d’aristocratie politique, peu nombreuse, très jalouse de son autorité et de son influence, qui assuma toutes les fonctions, prit sur elle toutes les responsabilités du gouvernement. De cette caste politique, composée des meilleurs hommes du pays et des plus dévoués au bien public, sont issues les traditions d’honnêteté et de désintéressement qui sont encore en honneur dans l’Italie d’aujourd’hui. Ministres et hauts fonctionnaires vivaient et vivent encore avec une simplicité qui nous semble presque