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changer l’affectation d’un décor, ce qui est nettement indiqué par la rubrique suivante : Et, depuis en avant, le logis de Marie et de Jésus à trente ans se fera, si l’on veut, au logis d’Adam. Il est probable aussi que la Montagne de Thabor, où se passe la Transfiguration, le Mont des Oliviers et le Mont de Calvaire, ne sont qu’une seule colline artificielle et creuse dominant le hourd. Mais comment le public, ayant toujours sous les yeux le même ensemble immobile de décors, pouvait-il s’aviser de ce changement d’affectation ? C’est ici qu’intervient le second procédé, celui des pancartes, dont on a révoqué en doute l’existence dans le théâtre shakspearien, mais que notre compte atteste expressément pour Mons par les quarante-huit sous payés à Sire Jehan Portier, prêtre, pour avoir fait 98 brevets de grosses lettres des lieux sur le hourd.

Il n’en reste pas moins vrai que notre représentation de juillet 1501 suppose des décors beaucoup plus nombreux et plus compliqués que ceux que reproduit, pour la représentation de Valenciennes, en 1547, la miniature de Cailleau. Encore me suis-je abstenu de parler de la partie mobile de la décoration, de l’autel que Noé fait édifier, lequel doit être préparé devant et mussé [caché], de la chaire d’où prêche saint Jean, des trois croix de la Crucifixion, etc.

On n’utilise pas seulement, pour planter ces praticables, le plateau, appelé champ ou quelquefois aussi parc (ce qui peut amener des confusions avec le parterre), mais le dessous du hourd. Celui-ci est recouvert en partie de gazon, à la fois pour étouffer le bruit des piétinements et pour masquer les huissets ou trappes de secrets, dans lesquels se dissimule par exemple, après l’assassinat, le Sang d’Abel complaignant, qu’incarne le fils même de l’acteur chargé du rôle d’Abel. Des fosseries aussi, comme s’exprime le Compte, s’échappent les morts qui ressuscitent au moment où Jésus expire et lui-même y disparaît après chacune de ses apparitions à Madeleine, à Notre-Dame ou aux Disciples.

Ce ne sont pas là toutes les merveilles de la machinerie, et ce n’est pas pour ce simple artifice des trappes, que l’on avait fait venir de Chauny maître Guillaume Delechière et son frère. L’homme vulgaire du moyen âge vit au milieu des miracles qui, comme les symboles dont parle le poète, « l’observent avec des regards familiers. » Pour lui, dans la nature, rien ne se