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je fus mis sur la trace de ce manuscrit, je l’ai dit dans une récente communication, faite le 13 avril dernier, à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Voici comment je fus mis sur la trace de sa découverte. Un érudit belge, Léopold Devillers, avait, dans le 4e fascicule de ses Analectes montais, en 1869, mentionné l’existence, dans le dépôt d’archives du Hainaut confié à ses soins, d’un manuscrit de mystères, qui ne faisait, écrivait-il, « qu’indiquer le rôle de chaque acteur, la mise en scène, les gestes, les changements de décors, de costumes, etc. » Ma curiosité fut éveillée, et je me rendis à Mons en Belgique. Le manuscrit n’était plus aux Archives, il avait été cédé à la Bibliothèque de la ville. Là M. Hublard m’ouvrit toutes larges ses vieilles armoires : bientôt, j’en retirai à poignées quatorze cahiers de papier, recouverts d’un parchemin jauni et racorni, d’où tombèrent, avec la poussière des siècles, les grains de sable qui avaient séché l’encre du scribe. Je feuilletai ces cahiers, et quel ne fut pas mon étonnement. Sans doute, les quatorze cahiers du Mystère de la Passion que j’avais tirés de la poussière et de l’oubli offraient un texte fragmentaire puisque, de la réplique de chaque personnage n’étaient jamais fournis que le premier et le dernier vers, mais, en retranche, les rubriques ou didascalies ou, si l’on préfère, les indications de mise en scène étaient aussi complètes et aussi parlantes que possible. Qu’on en juge sur les premières, dont je rajeunis et francise à peine l’orthographe :

Le Ciel doit apparoir quand Dieu aura dit : « Et que rien ne se montre hors. Aussi quand il dira : « Situons pour prendre retrait, » le feu doit apparoir, aussi l’air, l’eau et la terre. Quand Dieu dira : « Nommons jour et ténèbres nuit, » lors s’appert la lumière. Après, le ciel, nommé le firmament, divisant les eaux pour la mer. En suivant, la terre appert, plaine nommée ; aussi herbes, arbres, pommiers et semences ; au firmament, le soleil et la lune et des étoiles. Eaux produisent poissons et autres reptiles ; oiseaux, les uns en mer, autres en terre. La terre produise bestiaux, ouailles, vaches, chevaux, juments, et autres reptiles plusieurs. Quand Dieu aura dit ; « Si descendrons en la terre, » il descend, et s’en vient au champ de Damascène. S’il est trop loin, silete.

Quand il a dit : « Sera et d’une âme informe, » il tire Adam hors[1], et, après quatre lignes ensuivant, Dieu fait semblant de

  1. D’une trappe peut-être ou, comme dans un autre mystère, de dessous une couverture.