la main destiné aux dentelles superfines était coté en Belgique 7 000 francs le kilo.
Bien connu est le mot de cette dame à qui l’on disait : « Réjouissez-vous, on vient d’inventer un métier grâce auquel on fera de la dentelle superbe et presque pour rien. » — « Eh ! répondait-elle avec un souverain mépris, si la dentelle était à bon marché, croyez-vous qu’on voudrait porter de semblables guenilles ? » Cette dame se trompait. On estimait, sous Henri IV, que la France dépensait, en dentelles, 7 ou 8 millions de francs par an. Colbert, en 1680, allait jusqu’à 12 millions. Ces chiffres fussent-ils exagérés, — les statisticiens de jadis ne reculaient pas devant l’exagération, — comparons-les à ceux d’aujourd’hui. Constatons tout d’abord que la matière a changé ; la dentelle se fait en coton, non plus guère en lin ni en chanvre. Sa provenance aussi n’est plus la même. Nous en recevons de l’étranger quatre fois moins que nous en exportons au dehors (avant la guerre 42 millions de francs).
Mais, quoique le port de la dentelle soit devenu de notre temps un luxe exclusivement féminin, les femmes françaises y consacrent une somme dix fois plus forte que les deux sexes ne faisaient sous Louis XIV. — La fabrication de Calais seul monte à 60 millions en dentelles-imitation. — Et, comme le mètre de ces dentelles, à la mécanique, est cinq ou six fois moins cher que les plus grossières des dentelles à la main, si la somme consacrée par la nation à ce superflu devenu nécessaire est dix fois supérieure, cette somme correspond effectivement à cinquante fois plus de dentelle, désormais accessible par son bas prix aux classes les plus modestes.
En 1912, le grand carré de tulle-bobin se vendait 0 fr. 30 centimes, alors qu’il avait valu 50 francs en 1812. Un constructeur français était parvenu en 1900 à monter le métier à tulle, comportant 5 000 fils de chaîne et navettes. Les ouvriers anglais cachaient jusqu’alors avec un soin jaloux les secrets de tour de main et d’agencement, — surtout pour la partie si délicate de l’ « intérieur, » — de cette machine de 40 000 kilos, dont l’ensemble forme un total de mouvements des plus compliqués exigeant une précision extrême.
La mécanique a vulgarisé de même un autre superflu, rare et onéreux chez nos pères : la broderie ; 225 aiguilles à deux pointes, enfilées par le milieu, passent et repassent au travers de