Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triompherai de tous les ennemis de la France, et de tous ceux du foyer.

— C’est beaucoup, monsieur, en vérité !

Sous le béret vert, le visage malicieux de Mlle Deleuze s’empourpra, devint grave, sérieux, presque sévère. Puis, brusquement, il se détendit dans un sourire :

— Eh bien ! monsieur le diplomate, puisque vous êtes en forme, revenez quand les Turcs auront signé, ou quand les Allemands auront payé.

A son tour, il s’assombrit :

— Vous êtes cruelle, mademoiselle. Cruelle et ironique. Autrefois, pour refuser, on se contentait de dire : quand les poules auront des dents.

— Suis-je vraiment si décourageante ?

— Vous l’êtes Peut-être préféreriez-vous que j’épouse miss Maud Hobinson ?

— Ah ! non, par exemple Un diplomate français ne doit pas épouser une étrangère.

— Pas même une alliée ?

— Pas même une alliée. Vous avez déjà tant de mal à défendre nos intérêts. On dirait que la foi vous manque.

— Donnez-la-moi, Mlle Nicole. Je ne demande qu’à me croiser. Depuis l’aventure du bob, je vois devant moi, comme un signe d’espérance, un petit béret vert.

— Eh bien ! quand ma sœur Édith sera une véritable jeune fille et pourra monter la garde à son tour.

— Quel âge a-t-elle ?

— Quinze ans. Mais les jeunes filles, aujourd’hui, poussent vite. Beaucoup trop vite, hélas ! Elles n’ont plus le loisir d’être ignorantes. Elles apprennent trop de choses, à l’école et dans la vie.

— Mais elles sont braves, Mlle Nicole. C’est quelque chose. Boivent-elles l’obstacle, dans la vie aussi bien qu’en bob ?

Nicole prit son expression de victoire :

— La vie n’est-elle pas un sport ? ...


HENRY BORDEAUX.