publièrent des articles outrageants et mensongers contre la France, M. Pinot voulut répondre, afin de faire entendre « l’autre cloche. » Les journaux refusèrent de publier ses explications, et les habitants de Lund continuèrent d’entendre la cloche germanique.
Comment donc atteindre ce public suédois, plein de bonne foi et de bonnes intentions, mais qui n’a pas en main les éléments indispensables pour se former une opinion personnelle ?
Les Allemands ne sont pas si maladroits qu’on veut bien le dire. S’ils font de la propagande, c’est toujours d’une manière détournée, car ils savent que les seuls mots « propagande, mission officielle, etc. » mettraient les gens en défiance [1]. Ils étudient, dans les moindres détails, les pays où ils doivent agir, et n’appliquent pas en Suède les même méthodes qu’au Danemark et en Norvège. Ils se gardent bien de confondre les trois pays sous ce nom de « Scandinavie » qui n’a plus qu’un sens poétique, et qui déplaît aux trois nations, lesquelles veulent être fortement différenciées. Connaissant à fond les idées, les préjugés, les besoins et même les faiblesses de chaque peuple, ils lui envoient des « missionnaires » choisis, qui parlent sa langue, pratiquent sa religion et caressent son orgueil.
En Suède, où l’on est sentimental et charitable, où l’on a le cœur et la bourse .ouverts pour toutes les infortunes, les professeurs
- ↑ Lorsqu’on a fait représenter en Suède le film du roman de G. d’Esparbès, les Demi-solde, on a eu le tort de faire remarquer que ce film avait été composé « avec la collaboration du Gouvernement français. » Tout le monde a conclu de là à la propagande, et ce film très beau a été dédaigné par le public de certaines villes.
Au contraire, lorsque les industriels allemands ont établi un service de propagande à Bielefeld, non loin de la Ruhr, pour maintenir le moral des habitants et les inciter à la résistance passive, ils l’ont baptisé « service d’informations. » Le Svenska Dagbladet de Stockholm écrit, au sujet de ce bureau : « Ce bureau ne fait pas de propagande à proprement parler ; on dit seulement à l'étranger : écoutez vous-même, c’est suffisant ! » (9 mars 1923), Et le brave journaliste suédois, sans méfiance, ne s’aperçoit pas toujours qu’on lui présente des documents truqués. On lui a montré un numéro du Journal contenant un dessin d’Abel Faivre, « le Cordon douanier, » où l’on voit, dans un décor imprécis, sur un fond de nuages, la République française étranglant un ouvrier allemand, avec cette légende : Quand vous voudrez ! Et le journaliste ne se doute pas que dans le dessin original d’Abel Faivre, il y a, derrière les personnages, un fond composé par des usines et des maisons qui flambent encore, et que la légende exacte est celle-ci : « Quand vous voudrez, monsieur Stinnes !... » Le Suédois reproduit ce dessin truqué dans son propre journal qui veut y voir « des preuves de sauvagerie et de cruauté, faites pour émouvoir particulièrement un vieil ami de cette culture française dont on a peine, aujourd’hui, à retrouver les traces.