Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sa famille, avec M. et Mme Staaf. La maison est grande et belle, bien meublée et ornée de bons tableaux anciens, et plus confortable que beaucoup d’évêchés de France, depuis la séparation. M. Nathan Sôderblom fut aussi aimable que la veille : il me parla de mes impressions de voyage, de mes livres, du dernier surtout, Priscille Séverac, histoire véridique d’une illuminée protestante. Il me demanda aussi si je connaissais Mgr Dubois.

— Je ne Fai vu qu’à l’autel.

— C’est, parait-il, un grand prélat, un prêtre remarquable par l’intelligence et le caractère, dit M. Sôderblom d’un air pensif.

Quand je pris congé, en remerciant mes hôtes de l’accueil que j’avais reçu, M. Sôderblom, au seuil de la maison, me dit gravement :

— Dieu vous bénisse, madame !

— Et mon pays aussi, monsieur l’archevêque ?

Il n’hésita pas une seconde :

— Certes... certes... que Dieu bénisse la France !

Et comme l’automobile allait démarrer :

— - Madame, dit l’archevêque d’Upsal, en guise d’adieu, — quand vous serez revenue à Paris, embrassez pour moi l’Arc de Triomphe I


De retour à Stockholm, j’ai connu, non seulement la réponse de M. Poincaré et la lettre, si digne, des protestants de France, mais la lettre de M. Sôderblom et son discours au clergé suédois. Je n’insiste pas sur le détail si fâcheux de la traduction incomplète envoyée en France, tandis qu’un texte différent de la même épitre était adressé à des personnages importants du clergé anglais et du clergé américain. Il peut y avoir faute du traducteur, erreur involontaire ou malentendu. Cependant, le discours même et la lettre, dans leur texte original et complet, contiennent des affirmations et des jugements qui nous affligent et nous blessent, et peuvent nous faire beaucoup de mal.

Qu’un plumitif besogneux, qu’un « intellectuel » farci de théories, qu’un naïf, dépourvu de sens critique, accepte, sans examen, les mensonges allemands ; qu’il fonde, sur ces mensonges, sur des faits inventés ou déformés, toute une doctrine