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français, — de parler dans les réunions de l’Alliance, mais j’ai été si ému par ce que je viens d’entendre que je ne puis m’empêcher d’apporter ici mon témoignage. J’ai habité Paris pendant sept ans. J’ai vu de près le foyer français, la femme française que les étrangers ignorent et calomnient, et j’ai admiré les vertus familiales de ce peuple qu’on ne peut pas connaître sans !’aimer...

« Voilà qui est parler ! me disais-je. Voilà un ami éclairé, sincère, courageux !... C’est ce monsieur à la croix d’or et non pas l’autre, le germanophile, qui devrait être archevêque d’Upsal. »

Après la séance, le personnage qui avait si bien parlé, vint encore une féliciter, me baisa la main et s’excusa de ne pouvoir rester pour le souper.

— J’espère, dit-il, que nous nous reverrons avant votre départ.

— Monsieur, répondis-je dans toute la sincérité de mon cœur, croyez que j’en serai charmée.

Il partit. On se mit à table. Le souper fut excellent et gai. La glace étant rompue avec mes voisins, je demandai discrètement :

— Quel est donc ce monsieur à la croix d’or qui a si bien parlé et qui aime tant la France ?

— Madame, me répondit mon voisin de droite, on ne vous a donc pas prévenue ? ... C’est l’archevêque d’Upsal.


Jamais M. Nathan Sôderblom, archevêque luthérien d’Upsal, ancien pasteur de l’église suédoise à Paris, ne saura combien je fus déconcertée par cette révélation. Déconcertée et consolée aussi. J’étais sûre que cet archevêque, — à moins que d’être un hypocrite damnable et un sépulcre blanchi, — ne détestait pas la France. Je le trouvais respectable et sympathique, et je me demandais seulement :

« Qu’est-ce qu’il a bien pu écrire à M. Poincaré, à Mgr Dubois et aux protestants de France ? »

Les personnes que j’interrogeai, sur ce point délicat, firent : « Heu !... heu !... » d’une manière inquiétante. Mais j’appris que M. Soderblom m’invitait à déjeuner pour le lendemain, et je songeai qu’une conversation plus longue me donnerait peut-être quelques lumières.

Le lendemain, je fus reçue à l’Archevêché, par M. l’archevêque