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si elle ne contenait des tombeaux admirables ; celui de Catherine Jagellon, étendue dans sa robe aux plis réguliers, les mains jointes, le front couronné, sous une arcade à plein cintre, celui de Svedenborg que j’ai salué en souvenir de Seraphita, et le plus beau de tous, celui de Gustave Vasa, dont la grande statue rigide est couchée, entre ses deux épouses, sur un cénotaphe flanqué de quatre obélisques. Mais ce qui m’a le plus touchée, dans cette cathédrale tant remaniée qui a subi tant de vicissitudes et d’avatars, au cours des siècles, ce ne sont pas les tombes royales, ni la chasse vénérée de saint Eric, ni les vêtements conservés dans la sacristie ; c’est une inscription sur le mur du transept :

A la mémoire de Estienne de Bouneuill, tailleur de pierre, maistre de faire l’église de Upsal en Suece, menant avecques lui ses compaignons et ses bachelors pour ouvrer de taille de pierre en ladite église alant de Paris en ladite terre l’an de grâce mil ce quatre-vingt et sept.

Tout en visitant la cathédrale, je pensais à l’archevêque et je déplorais, intérieurement, que ce haut dignitaire ecclésiastique fut très probablement un germanophile. Redoutable effet de la propagande allemande ! Cependant, il y avait eu contre-manifestation de la part des Français et protestation officielle... J’aurais donné cher pour connaître le détail de cette histoire, mais par une sotte timidité où il y avait aussi de la discrétion, je n’osai parler de l’archevêque à mes hôtes, et je me dis seulement, à part moi : « C’est bien la dernière personne d’Upsal, que j’aurai l’occasion de connaître. »

Le soir, je fus présentée, par le professeur Staaf, à un nombreux et juvénile public d’étudiants et d’étudiantes, auquel je parlai de la « Parisienne inconnue, » c’est-à-dire la femme du peuple et la femme de la bourgeoisie, que les étrangers ne rencontrent pas à Montmartre. Il y avait, au premier rang des auditeurs, un monsieur en redingote noire, blond grisonnant, la figure fine et vive, et qui portait une croix pectorale suspendue par une chaîne d’or. Il souriait avec bienveillance, applaudissait avec ardeur, et je me persuadai que ce devait être une sorte de « grand vicaire » ou de « coadjuteur » de l’archevêque. Quand j’eus terminé ma causerie, M. Staaf prononça quelques paroles ; puis le personnage à la croix d’or se leva :

— Je n’ai pas l’habitude, dit-il en français, — et en très bon