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femmes, assez mal ou pas du tout renseignées sur les conditions de la vie française après la guerre, très attachées à un pacifisme théorique, ne se représentent absolument pas les épreuves que nous avons subies, et les dangers qui nous menacent. En Suède, c’est pis encore.

Les mots qui reviennent le plus souvent sur les lèvres des Françaises ou des Italiennes, quand elles expriment leurs idées sur la vie et leur idéal de bonheur féminin, c’est « amour, » et « mariage. » Dans les discussions amicales que j’ai entendues, en Norvège, autour des tables à thé et dans les coins de salon, lorsque les « discuteuses » étaient des intellectuelles, le mot qui revenait sans cesse, c’était : « indépendance. »

L’indépendance et le travail ! Voilà le programme offert à la jeunesse. Les « servitudes familiales, » on les acceptera le plus tard possible, et elles seront réduites au strict minimum. Très lâches resteront les liens de famille. Ah ! certes, ce n’est pas aux femmes du Nord qu’il faudrait répéter la phrase chère à nos aïeules : « La femme est faite pour souffrir... et l’homme pour être souffert. »

Nous aussi, nous avons protesté contre cette conception de la vie féminine, et nous avons cru être très audacieuses, en disant que la femme ne doit pas souffrir injustement, et par la faute de l’homme, et par la faute des lois que l’homme a faites dans un temps où sa compagne dépendait véritablement de lui, où il prenait, en l’épousant, la charge totale, absolue, de la nourrir, elle et ses enfants. L’obligation du travail, pour la femme isolée, et aussi pour la femme mariée, a changé les termes du vieux pacte millénaire et je persiste à le déplorer.

Je persiste à croire que la division des fonctions et des devoirs, conformément à la nature, serait une garantie d’équilibre pour la société, et de bonheur pour les familles. Je sais qu’elle répond au vœu de la grande majorité des femmes, dans nos pays, car ce n’est point par plaisir que la Française quitte son foyer pour l’atelier ou le bureau. Femme entre les femmes, elle a pour idéal de « rester chez elle, » de gouverner son ménage et d’y être reine, laissant à l’homme les émotions du forum. Les revendications d’une élite d’intellectuelles et de travailleuses n’auraient pas d’écho dans les foyers français, si tous ces foyers étaient construits selon l’ordre naturel, si tous étaient réchauffés, éclairés par la présence de la femme. C’est