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Ici et là, le féminisme règne. Les femmes, ici et là, ont conquis le droit de vote : elles sont électrices et éligibles ; elles ont accompli une œuvre sociale très belle, dont elles ont le légitime orgueil, et féministes militantes et triomphantes sont également disposées à considérer les femmes latines, — qui ne votent pas, — comme des victimes infortunées de l’homme, des poupées ou des courtisanes.

Sous la bonne grâce, je sens parfois cette conviction, absolue et non raisonnée, surtout chez les femmes qui ne sont jamais venues en France et qui nous voient à travers la littérature, une certaine littérature.

Il n’y a dans ce sentiment qu’on avoue, si j’insiste un peu, aucune arrière-pensée désagréable pour moi. On veut bien croire que je suis une « intellectuelle » et même une « affranchie, » et l’on met un certain temps à pressentir que ces mots d’« intellectuelle » et « d’affranchie » n’ont pas le même sens en français, en norvégien, en suédois, et que cette définition ne m’enferme pas tout entière.

Malgré cette sympathie qui m’est précieuse, malgré un goût commun pour toutes les formes de l’art et de la pensée, j’ai senti, à tout propos, en Suède comme en Norvège, ces dissemblances profondes qui existent entre la femme nordique et la femme latine. Chacune a ses vertus propres ; chacune a sa conception particulière du droit et du devoir, du bonheur et de l’amour ; chacune est le produit de sa race et de son milieu. A la beauté du monde, au génie de l’humanité, tous ces éléments, si divers, sont nécessaires ; mais ne les confondons pas sous prétexte de les comparer !

Je veux parler en toute franchise. On m’en saura gré, puisque j’ai su écouter ce qu’on me disait avec franchise, et rudement quelquefois ! J’admire les éminentes qualités des femmes scandinaves : j’admire les services qu’elles ont rendus à leur patrie. Si j’essaie de montrer ce qui nous sépare, c’est pour nous mieux définir, les unes et les autres, pour nous comprendre un peu, sinon tout à fait.

Il y a d’abord la question politique, — pacifisme, internationalisme, désarmement, etc.— sur laquelle je reviendrai plus tard. En Norvège, on a de l’amitié pour nous, mais la propagande anti-française, — qui n’est pas toujours allemande, — rend souvent cette amitié peu clairvoyante ou incertaine. Les