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suédois, s’envole sur le dos d’un jars blanc, dans une bande d’oies sauvages. Il visite ainsi toute la. Suède, et il a mille aventures terribles ou divertissantes, avec des hommes ou des animaux, car, étant sorti de l’humanité, il comprend le langage des bêtes.

Au Skansen blanc, par un dimanche glacé, j’ai imaginé que Nils Holgersson était près de moi, grand comme un revers de main, vêtu de ses culottes de cuir et chaussé de ses petits sabots. Il me conduisait dans les maisons de bois où des gardiennes en costume national attisent le feu sur la pierre du foyer angulaire ; il ouvrait la porte de la vieille et délicieuse église ; il me montrait, dans leurs enclos, l’ours brun vautré, le lynx qui crache et jure comme un chat, les rennes aux larges pieds, les aigles engourdis et mélancoliques, l’admirable auroch qui paraît aussi vieux que le monde et qui est couvert d’un poil feutré, laineux et roux comme le varech sur les roches marines.

La neige cachait les allées ; la neige accablait les sapins ; tout était blanc, le sol, les toits, les branches, les tentes laponnes, les rochers des ours, et Stockholm, vu à travers les arbres, était blanc dans un brouillard pâle. Seuls, les bouleaux, sous le grésil léger de leurs ramilles, n’étaient pas blancs. Ils avaient la pâleur ineffable des flocons de fumée.

Je suis rentrée à l’hôtel, et j’ai regardé le château ; les quais, les ponts tendus d’hermine. Sur le bras de mer, de gros glaçons verdâtres arrivaient en tournoyant. Ces glaçons étaient couverts d’oiseaux, mouettes, canards et corneilles.

J’ai entendu l’appel de ces oiseaux, sans le comprendre, moi qui n’ai pas été changée en lutin. Alors mon petit compagnon mystérieux m’a quittée. Dans la fantasmagorie du crépuscule, où le réel et l’imaginaire se confondaient, — je l’ai vu qui s’en allait sur un glaçon, parmi les canards sauvages.


FEMINISME

Je me disais, en admirant les splendides Norvégiennes : « Filles des vikings, filles des reines de la mer. » Les Suédoises, moins éclatantes, plus fines, sont du même sang. Il y a entre elles, Suédoises et Norvégiennes, des différences qui tiennent au milieu, à l’éducation, à des traditions abolies en Norvège, conservées en Suède, mais le fond de race est pareil.