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déposé un projet de loi autorisant les Frères à se prévaloir de la loi de 1901 sur les associations et à fonder en France, sous le nom d’institut missionnaire des Frères des Écoles chrétiennes, une congrégation nouvelle qui exercerait son activité dans les colonies françaises, dans les pays de protectorat et à l’étranger, et qui n’occuperait en France que les établissements nécessaires au maintien et au développement de ses missions à l’extérieur. En vertu de ce projet de loi, treize maisons de formation, éparses sur notre territoire, pourraient désormais abriter deux cent cinquante maîtres et dix-huit cents novices, ou même un plus grand nombre, si un décret rendu en conseil d’État en accordait l’autorisation.

M. Maurice Barrès a été chargé par la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des députés, d’être devant le Parlement le rapporteur du projet de loi gouvernemental. Il pourra parler en témoin, ayant vu longuement et à fond, en Égypte, en Syrie, ce que les Frères ont fait pour la France. Son rapport est sous nos yeux ; il sera une déception, — et c’est tant mieux, — pour ceux qui prétendaient opposer au vœu des Frères et du Gouvernement d’intangibilité de certaines lois.

Il ne s’agit ni de modifier ces lois, ni même de les tourner ; il s’agit, tout simplement, d’appliquer la loi de 1901, pour le bien commun des Frères et de la France. D’outre-tombe une voix s’élève, éminemment qualifiée pour rassurer, sur les bancs du Parlement, les susceptibilités les plus maladives ; c’est la voix d’Émile Combes, qui tout le premier, en 1904, soutenait devant la Chambre (que les Frères pouvaient déposer une demande d’autorisation comme congrégation missionnaire, et que le Gouvernement l’instruirait avec un « esprit d’équité. » Pourquoi eût-il déplu à M. Maurice Barrès d’être, pour une fois, l’exécuteur testamentaire d’Émile Combes ? Il y a là je ne sais quoi d’amusant, qui n’est pas pour lui déplaire, et puis, surtout, quelque chose de touchant, bien fait pour le tenter. Car si cet épisode atteste que les vicissitudes de la politique ont d’insondables ironies, il atteste, aussi, que nous sommes encore en une période où tous les Français recherchent et aiment tous les terrains d’accord. Prolongeons-la jalousement, cette période ; il y va de notre ascendant sur le reste du monde.

L’auteur de la Grande pitié des Églises de France expose au Parlement une autre grande pitié, celle de la plus grande France.