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plus activement à la Mission laïque, ne céda jamais à la tentation d’abandonner à leurs propres ressources les écoles congréganistes du Levant ; il sentait qu’une telle défection de la générosité française porterait à l’influence de la France un coup fatal.

Mais pour les écoles françaises de Frères, il ne faut pas seulement des subventions, il faut des Frères français. C’est là une absolue nécessité, et ces écoles, actuellement, sont en face d’une crise tragique, crise irréparable, si l’on diffère d’y remédier.

Elles sont plus prospères que jamais elles ne le furent, et, tout en même temps, plus menacées que jamais. Chaque jour s’accroît le chiffre de leurs élèves. Il n’y avait à l’étranger, en 1904, que 178 écoles de Frères dont les directeurs et professeurs fussent de nationalité française ; il y en avait, en 1922, 275. Ces bons Français, apôtres de la France, instruisaient en 1904 45 372 élèves ; ils en instruisaient, en 1922, 84 602. Le seul collège d’Alexandrie, qui comptait en 1912 560 élèves, en possédait 1 100 en 1922. Mais tandis que se multiplient les clients des Frères et des disciplines françaises, voici qu’inversement, d’année en année, le chiffre même des Frères de nationalité française enseignant à l’étranger subit une diminution progressive. Ils étaient, en 1909, 4 823, parmi lesquels beaucoup avaient dû s’exiler de France, en raison du chômage auquel la loi les contraignait ; autour d’eux se groupaient déjà, pour les assister dans leur lointaine tâche d’éducateurs, 300 Frères environ d’origine étrangère. Dans les rangs des Frères français, la maladie, la mort, ont depuis quinze ans fait des vides nombreux ; sur 1 900 qui furent mobilisés, 280 ont succombé au champ d’honneur, et le nombre des Frères français qui professaient au loin dans les écoles françaises de l’Institut n’était plus, en 1922, que de 2 456, tandis que le chiffre des Frères étrangers s’était élevé à 838. .

Voilà donc, d’une part, une clientèle scolaire qui se presse, de plus en plus dense, aux portes des écoles de Frères, et qui parfois, faute de place, ne peut en franchir le seuil Et voici, d’autre part, un personnel d’éducateurs dont le recrutement est lamentablement tari. De plus en plus, les divers pays du monde appellent des Frères français, et le chiffre de Frères que nous y pouvons expédier s’abaisse de plus en plus ; les requêtes qu’on nous adresse sont pour nous une gloire, les disponibilités par lesquelles nous y pouvons répondre sont douloureusement restreintes.