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les banques, dans les administrations de l’État, voire dans le ministère. » Le président de l’Alliance française à Alexandrie, ancien président de la Chambre de commerce française, ancien député de la nation, adressait au Supérieur des Frères, à la veille de la Grande Guerre, une lettre bien significative. Il avait été l’un des fondateurs du lycée français dirigé par la Mission laïque : il se prévalait de ce fait, pour consolider la valeur du témoignage qu’il tenait à rendre aux Frères. « Si nous Français, témoignait-il, avons gardé en Égypte, dans le domaine intellectuel, une supériorité, c’est aux Frères que la France le doit ; nous commettrions une sorte de suicide moral en ne les soutenant pas de toute notre force, en Orient. » — « Je suis un vieux Français républicain, leur disait de son côté le fondateur même de l’Alliance française en Égypte, M. Toussaint Suzzarini, et je proclame l’obligation pour chaque Français de vous soutenir et de vous admirer ; personne ici ne sert mieux que vous les intérêts de la patrie française ; ceux qui le contestent sont aveuglés par la passion et ne se doutent pas des conséquences fâcheuses que peut avoir, au point de vue national, la campagne qu’ils mènent contre votre institution admirable.

Les échos de Syrie rendent la même résonance que les échos d’Égypte. Dans cette Syrie instruite par les Frères, un poète indigène, durant la Grande Guerre, écrivait à M. René Bazin : « Quand la France prendra possession de la Syrie intégrale, qui a été de tout temps moralement sienne, elle la verra lui rire de tous ses vergers, de toutes ses sources claires, les bras chargés des présents de son sol, l’âme pleine de gratitude et d’affection. » Un autre correspondant syrien, un peu peiné que, dans un article, M. René Bazin eût nommé seulement les Maronites parmi nos amis de Syrie, lui adressait cette émouvante protestation : « Pourquoi donc attribuez-vous aux Maronites le privilège de vous aimer, donc de vous désirer d’une manière spéciale ? Si les Maronites, en vertu de leur liberté d’action, due à l’autonomie de la montagne qui les abrite, peuvent manifester hautement leurs sentiments, vous voudrez bien croire que les sentiments des autres éléments chrétiens, sujets et administrés ottomans, quoique plus discrètement manifestés, n’en sont pas moins sincères. » Et, dans une troisième lettre, M. René Bazin lisait : « La Syrie est civilisée, d’une civilisation française. Elle