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II

Dans une certaine mesure, en effet, ainsi que l’indiquait en cette lettre le Frère Justinus, l’Institut des Frères, en quelque lieu qu’il travaille, sert la Franco. Jamais il n’a cessé de mériter l’éloge de Gambetta, remerciant le Supérieur général, dans une lettre du 29 novembre 1881, de « faire partout aimer notre pays. » Quarante-deux ans ont passé : Waddington et Barthélemy Saint-Hilaire, Flourens et Goblet, Félix Faure et M. de Freycinet firent écho, tour à tour, au témoignage de Gambetta [1] ; et le Gouvernement de la République proclame aujourd’hui devant le Parlement, dans l’exposé des motifs du projet de loi relatif aux Frères, qu’il « constate avec reconnaissance » leur « dévouement » et leur « succès. »

Ils avaient, en 1900, cinq cent quinze écoles hors de France ; ils en comptaient, à la fin de 1921, huit cent dix-neuf, où 8130 maîtres donnaient une éducation française à 208 942 enfants.

Même en ces pays où ils viennent s’insérer dans l’organisme d’un enseignement public, et où la langue scolaire est l’espagnol, ou l’anglais, ou l’italien, toujours le français fait partie de leurs programmes. Il ne leur suffit pas que les manuels qu’ils mettent aux mains de ces lointains disciples soient des traductions et des adaptations des livres rédigés en France pour les écoles françaises ; ils veulent que, dans ces pensionnats exotiques, les plus âgés d’entre leurs élèves soient capables d’apprendre directement l’histoire, les sciences physiques et naturelles, la philosophie, dans les manuels français eux-mêmes. On évalue à 250 000 le chiffre des manuels que leur Procure parisienne expédie chaque année à l’étranger. C’est à des sources françaises que de nombreux collégiens, en Espagne et dans les deux Amériques, puisent ainsi les suprêmes rudiments du savoir : ils ont, dans les basses classes, appris assez de français, pour être en mesure, dans les hautes classes, de faire usage du livre français.

Leurs heures de gaieté, comme leurs heures de travail, sont soumises à l’empreinte française : des poésies, des chœurs et des pièces de chez nous, figurent généralement au programme de leurs réjouissances scolaires. Les pompes religieuses, aussi,

  1. Comte d’Haussonville, l’Institut des Frères en 1900, p. 26-27.