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et se referment sur le détachement de hussards qui forme la fin du défilé.

Nous descendons de notre observatoire pour tâcher d’assister à la revue : mais la circulation est impossible, jamais Strasbourg n’a vu autant de monde. La place de Broglie est encore barrée, la queue du défilé y passe précisément, et nous pouvons voir de plus près les figurants du spectacle que, du haut de notre toit, nous n’avions vu qu’à vol d’oiseau.

… Nous emboîtons le pas derrière un peloton de hussards qui se dirige vers la cathédrale où doit se rendre le maréchal. Nous voyons en effet le chapitre réuni à l’entrée de la nef principale. On attend un bon moment, et j’ai le loisir d’observer. Dans la foule, beaucoup de militaires français, anglais, américains. Les chanoines se tiennent immobiles comme des statues : les évêques sont absents. M. le chanoine M. s’est placé au milieu, l’air très ému : c’est évidemment lui qui fera l’allocution. Enfin, le maréchal, escorté de généraux, fait son entrée et répond par quelques mots aux paroles de bienvenue. Parmi les personnes de son entourage, j’entends désigner par la foule les généraux de Castelnau, Gouraud et nombre d’autres. Ils avancent à travers la nef. Derrière, se presse une foule de nos amis, tous en costume de cérémonie ; parmi eux, les martyrs de la cause et ceux qui tiennent à passer pour tels, puis des notabilités de la presse parisienne. Je reconnais Maurice Barrès et bien d’autres.

L’orgue entonne le Te Deum. Je ne crois pas que le cantique d’action de grâces ait jamais été chanté avec une pareille exaltation : « Te martyrum candidatus laudat exercitus. » Mais, est-ce l’effet de l’émotion des chanteurs ? toujours est-il que leurs voix ont quelque peine à remplir l’immensité de la nef. Je souhaiterais qu’elles fussent renforcées par des trompettes dont les notes éclatantes traduiraient mieux nos sentiments en ce jour d’apothéose, et exprimeraient l’allégresse générale que résume ce vrai cri du cœur : Te Deum laudamus !


CHARLES SPINDLER.