complaisante à son endroit, multipliait même les avances, et les avances les plus directes, au point de se compromettre presque, s’il était facile à une jeune fille de se compromettre dans un monde où le sport autorise toutes les familiarités.
— Pour moi, déclara au comte Moroni Aynaud-Marnière qui, décidément, prenait parti pour Nicole, Mlle Deleuze a eu tort de gagner.
— Et pourquoi donc ?
— Mais parce que miss Maud ne lui pardonnera pas cette victoire. Elle se vengera.
— Et vous revenez de Lausanne ! s’écria l’Italien d’une voix pathétique.
— Quel rapport voyez-vous ? ...
— Vous revenez de Lausanne, et vous n’avez pas remarqué, dans les conflits entre les nations, que seule compte la victoire ! Dans la vie privée, comme dans la vie des peuples, les vainqueurs sont les vainqueurs. Aujourd’hui miss Maud Hobinson respecte et redoute Mlle Nicole Deleuze beaucoup plus qu’hier. Celle-ci lui reprendra son père : n’en doutez pas.
— J’en doute, au contraire. Le dépit sportif est pire que le dépit amoureux. Il jettera cette magnifique Anglaise dans les bras de ce vieux monsieur.
— Nous parions ?
— Nous parions.
Les deux jeunes filles, les deux rivales avaient gagné ex æquo les épreuves du patin, l’une première au concours de figures, l’autre au concours de vitesse. Nicole Deleuze l’emportait sur le bobsleigh. Restait le prix du costume au bal des fleurs. Mais quelle émeute rue de la Paix, si les costumes de France étaient battus dans un match de toilettes !
Depuis une quinzaine de jours, toutes les élégantes pensionnaires du Palais de Neige travaillaient, — ou faisaient travailler, — à leur travesti dans les intervalles des sports et de la danse, en cachette pour ne pas livrer leur secret aux concurrentes. Elles avaient commandé à Lausanne ou à Genève, ou même à Paris, des soieries ou des rouleaux de papier de toutes nuances. Avec de l’invention et des doigts de fée, elles avaient
