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Aussitôt c’est un branle-bas général. En un clin d’œil les drapeaux français, belges, anglais, américains flottent à toutes les fenêtres, et j’ai un moment d’émotion lorsqu’on hisse sur la tour l’immense drapeau dans les plis duquel le vent s’engouffre aussitôt en faisant claquer l’étoffe. Nous voilà Français et pour toujours !


ILS ARRIVENT ! — LES HUSSARDS A OBERNAI

De nombreux témoins ont déjà raconté l’entrée des troupes françaises en Alsace. Les lecteurs de la Revue se rappellent les pages ardentes et colorées où M. Louis Madelin a donné la chronique de ces journées triomphales. Ces récits exprimaient la poignante émotion de nos officiers et de nos soldats. Nous allons ici en trouver la contrepartie, le spectacle vu par un Alsacien d’abord à Obernai, puis à Strasbourg.


18 novembre. — Malgré le temps froid qui s’obstine à demeurer gris, la nature est en fête ; les marronniers jaunis, les bouleaux tout dorés semblent avoir recueilli le dernier rayon du soleil d’automne. En passant, nous remarquons les débris noircis des feux que les honveds allumaient le soir, sur le bord des routes, pour y cuire les pommes de terre volées dans les champs, complément souvent nécessaire de leur trop maigre pitance. Mais qui pense encore à eux ? ... Nous entrons dans la petite ville. Jolie en tout temps avec ses rues étroites, ses maisons à hauts pignons gothiques, son hôtel de ville à balcons ajourés, son clocher à échauguettes, elle porte plus coquettement qu’une autre son décor improvisé. La population a revêtu ses habits de fête, les visages sont épanouis ; un vent de fraternité passe dans l’air, qui rapproche toutes les classes dans une commune allégresse. Beaucoup de jeunes filles ont tiré des armoires de leurs aïeules le seyant costume d’Obernai : coiffe d’or autour de laquelle s’épanouit en soleil une fine dentelle gaufrée ; d’autres, venues des villages environnants, se sont parées du nœud rouge ou fleuri ou bien du nœud noir national, qui a cessé d’être un emblème de deuil depuis que la cocarde tricolore l’égaie.

Nous montons à la mairie dont les balcons sont bondés de spectateurs. Dans la grande, salle aux boiseries à panneaux peints du XVIe siècle, nous saluons avec émotion le premier