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et on arbore les drapeaux tricolores. Le journal donne un résumé des conditions de l’armistice : elles sont raides, comme on s’y attendait du reste, mais je vois qu’on laisse aux Allemands quinze jours pour évacuer le pays. Ils ne sont donc pas si près d’arriver...


13 novembre. — L’appariteur publie le nouvel arrêté du Soldatenrath : il est défendu d’arborer la cocarde française, de pavoiser les maisons. Les gens qui écoutent, paraissent ahuris, et disent : « Soldatenrath ? Qu’est-ce que cette fumisterie ? »


14 novembre. — Jeanne a été aujourd’hui à Obernai. Lee fonctionnaires allemands se sont décidés à attendre tranquillement l’arrivée des Français, les professeurs reprendront leurs cours, et le collège, qui était fermé depuis la révolution du 10 novembre, va rouvrir ses portes. La garnison d’Obernai attend d’une heure à l’autre un ordre de retraite ; les officiers n’ont plus d’autre insigne qu’un petit ruban rouge qu’ils portent au col ; leur autorité est à peu près nulle, c’est à peine si les soldats les saluent dans la rue.

Fini, le militarisme prussien !

Et le voilà arrivé, le moment que l’on appelait depuis si longtemps de tous ses vœux. La satisfaction qu’on éprouve de la déconfiture des Allemands ne saurait plus longtemps calmer l’impatience des patriotes, qui trouvent que les Français tardent trop à venir.


15 novembre. — Nos garnisaires nous ont quittés. Partout on nettoie les maisons du haut en bas pour effacer leurs traces. Paulot et moi nous montons à Saint-Jacques. A l’entrée de la forêt gisent toujours les troncs d’arbres qu’on avait abattus en 1914 pour barrer le passage aux Français. Ils n’auront pas besoin de les enlever pour se frayer la voie : ils entreront à Strasbourg die händ in die hosesäck, les mains dans les poches, comme le prédisaient nos paysans. Au retour, nous croisons à la bifurcation de la route de Klingenthal un long convoi de voitures escorté par une compagnie de soldats allemands : c’est l’évacuation du front. Ils avancent péniblement dans l’obscurité et l’on n’entend que le grincement d’essieux mal graissés...


16 novembre. — Vers quatre heures, un cliquetis de ferraille attire notre attention : nous montons sur la terrasse et nous