Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/325

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ALSACE PENDANT LA GUERRE
JOURNAL D’UN ARTISTE ALSACIEN

IV[1]
LES FRANÇAIS EN ALSACE


LE DÉPART DES ALLEMANDS

11 novembre. — Les événements se pressent avec une rapidité telle que j’ai de la peine à noter mes impressions. Ce matin, notre sous-officier arrive à cheval, il est botté et astiqué comme pour une revue mais n’a plus ni cocarde ni épaulettes. Il est venu pour nous faire ses adieux. « Je ne vois pas du tout la nécessité de rester plus longtemps ici : je rentre tout droit à la maison. » Il est de Saint-Ingbert près de Sarrebrück. « Et votre cheval, qu’en faites-vous ? — Je l’emmène, parbleu ! C’est mon butin de guerre. — Et vos hommes ? — Ils feront ce qu’ils voudront. Je m’en f... ! » Ce n’est pas plus difficile que cela ! Et depuis des mois il y a des bureaux qui n’ont été occupés que de cette question de la démobilisation ! Puis il enfourche son cheval et part au trot sous les regards ahuris de ses hommes. Abandonnés à eux-mêmes, ces derniers n’ont pas l’air de savoir ce qu’ils doivent faire : on les voit errer toute la journée, les mains dans les poches sans qu’ils puissent se décider à suivre l’exemple de leur chef. Cependant la bonne est revenue de Bœrsch avec toute espèce de nouvelles : « Les Français sont déjà à Metz et à Sarrebourg. » Partout au village on crie : Vive la France !

  1. Voyez la Revue des 1er et 15 avril, et 1er mai.