d’autant plus qu’elle avait malicieusement vu de Zweisimmen partir l’obstacle, ce malencontreux et dangereux traîneau, et voici que le doute l’envahissait. On ne saurait les résultats que lorsque les deux chronométreurs auraient échangé leurs heures. Mais aucun des concurrents n’avait si furieusement abordé le poteau.
A deux cents mètres de là, — il avait fallu cette distance pour rompre le train du bob, — Aynaud-Marnière, ému, se levait en hâte pour courir au petit béret vert :
— Ah ! mademoiselle, quel beau sang-froid ! Comment avez-vous osé ?
— Mais je vous l’avais bien dit : c’est mon latin.
— Votre latin ?
— Oui, monsieur, un souvenir d’Horace, le plus banal, le plus connu, m’a inspirée. Quand le traîneau surgit devant nous, j’ai pensé : « Ça y est, nous sommes f... »
— Nous aussi, nous l’avons pensé, approuva le comte Moroni amusé, mais pas sous cette forme. Est-elle vraiment tirée d’Horace ?
— C’est la plus claire, mais vous êtes des diplomates. Et puis brusquement, le calme s’est fait dans mon cerveau, un calme incroyable. J’ai ordonné : pas de frein. J’avais calculé la largeur du bob : nous passerions ; nous avons passé.
— Et Horace ?
— Eh bien ! en même temps que j’assurais la direction du volant, mon Horace me revenait : Impavidam ferieni ruinae. Il y avait impavidam. Au féminin, M. Aynaud-Marnière.
— J’entends bien. Oui, vous étiez vraiment impavide. C’est une belle épithète, et rare.
Alors elle demanda :
— Avons-nous gagné la course ?
— Nous le saurons tout à l’heure.
Mais le résultat n’était pas douteux. Nicole Deleuze l’emportait de vingt secondes sur Maud Hobinson. La coupe d’or lui serait attribuée. Son bob avait effectué le parcours en moins de cinq minutes, donc à une moyenne de quatre-vingts kilomètres à l’heure.
Son père la vint féliciter, non sans quelque ironie, comme si lui-même tirait un bénéfice de cette récompense. Et, de fait, miss Maud, irritée et humiliée de son échec, se montrait plus