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qu’à la beauté plastique, laquelle, d’ailleurs, s’entretient longtemps par le sport.

— Oui, mais la jeunesse... rien ne vaut la jeunesse.

— C’est entendu. Eh bien ! les jeunes gens ont leur jeunesse. Et les autres ont tout le reste.

Ainsi brillait, ou croyait briller le comte Moroni, à qui cette jouissance rare était réservée de surprendre et d’instruire un Français devenu par ses voyages étranger à son propre monde. Il y mettait quelque ostentation et n’était pas éloigné de se prendre pour un Machiavel de la casuistique sentimentale.

— Voyez, conclut-il, comme miss Maud rit en montrant ses dents blanches aux propos que lui tient de tout près M. Deleuze.

— De tout près, parce que le compartiment est rempli. Et Mlle Nicole est avec eux.

— Dame, elle les surveille. C’est une gentille duègne.


Le train s’arrêta à Saanenmôser et les équipages des bobs en descendirent joyeusement pour essayer la piste avant le déjeuner. On remonterait de Zweisimmen par le petit chemin de fer, on déjeunerait au col, puis l’épreuve serait courue l’après-midi.

Cinq bobsleighs s’alignèrent sur la route. Ils portaient des noms comme les bateaux de pêche ou les yachts de plaisance. Celui de miss Maud s’appelait : Victoire. Et celui de Nicole Deleuze : T’en fais pas. L’avant-train articulé sur le châssis arrière était peint l’un en blanc et l’autre en vert, aux couleurs des concurrentes. Chaque bob portait un équipage de quatre personnes, deux femmes et deux hommes. La descente de Saanenmôser à Zweisimmen découvre un cirque plus vaste que celui de Gstaad, avec des sommets plus élevés. Les immenses étendues de neige, où se détachaient en bouquets noirs les forêts de sapins, brillaient au soleil d’un tel éclat qu’elles pouvaient rivaliser de lumière avec les déserts roses de l’Orient.

La course d’essai ne favorisa pas Mlle Deleuze qui avait sans plaisir vu son père monter sur le bob de sa rivale, s’installer derrière elle et la prendre à pleins bras ostensiblement, ainsi qu’y autorise ce genre de sport, si l’équipage veut être uni et stable. Elle faillit verser dans le fossé qui finissait en précipice et n’en fut préservée que par un coup de volant un peu trop brusque. En outre, elle dut s’arrêter face à un traîneau qui