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se placèrent immédiatement dans le fil de son œuvre, au cœur de ses pensées. Ce qui les frappa plus que tout, tandis qu’ils étudiaient ces Arcana imperii, c’est la présence auprès d’Hasan Sabâh de cet Egyptien mystérieux, le fils de Nizar et le légitime successeur de Mostansir, qui avait vécu ses jours dans l’ombre d’Alamout auprès du Grand-Maître, « Je suis né de sa descendance, » dit le jeune Hasan Aladhikrihis-Salâm. Par une telle affirmation, il soustrayait l’Ordre des Assassins à la suprématie des grands pontifes du Caire. Nizar n’avait été écarté du Khalifat que par une criminelle intrigue ; sa race avait barre sur la race de l’usurpateur. Dès l’instant que Hasan Aladhikrihis-Salàm descendait de Nizar et avait dans ses veines le sang du prophète, il pouvait légiférer. Il était l’Imâm. Cette fable fut rapidement accueillie par un grand nombre d’Ismaéliens qu’elle flattait.

Dans la bibliothèque d’Alamout, les deux jeunes gens avaient trouvé la plus prodigieuse poésie, et en même temps qu’ils s’en enivraient, elle les armait. C’est ce qui est très bien indiqué par Djoueïny, quand, s’aidant toujours des archives d’Alamout, il raconte la vie de cet Hasan Aladhikrihis-Salàm, fils de Mohammed.

« Sa naissance, dit-il, eut lieu dans l’année 1125. Lorsqu’il approcha de l’âge de puberté, il conçut le désir d’acquérir la science et d’examiner les dogmes de la doctrine de Hasan Sabâh. Il mêla à cette doctrine les sermons et les maximes des soufis. Les hommes du commun l’écoutèrent avec admiration. Il les égarait par sa douceur et son éloquence. Comme son père était dépourvu de ces qualités, il semblait à côté de lui un savant de premier ordre. Les gens du peuple soupçonnaient qu’il était l’Imâm prédit par Hasan Sabâh. Aussi cherchaient-ils à se prévenir les uns les autres dans les soumissions qu’ils lui rendaient. Son père le désapprouvait énergiquement. Il poursuivit les individus qui avaient cru à l’Imâmat de son fils et en fit périr deux cent cinquante à Alamout. Il en chassa deux cent cinquante autres. Hasan lui-même dans sa terreur se soumit, mais il se livra secrètement à la boisson. Son père eut quelque connaissance de ses excès, et fit les plus grands efforts pour en acquérir la certitude. Mais beaucoup de sectaires regardaient ses actions illicites et l’usage du vin comme un indice de l’inspiration de l’Imâm. Enfin par la mort de son père, il devint